Olivier Père

L’Ultimatum des trois mercenaires de Robert Aldrich

Il faut revoir les derniers films d’Aldrich, longtemps décriés ou ignorés, comme les plus beaux de sa riche filmographie. Deux Filles au tapis (All the Marbles…) est un sublime testament moral et artistique (de nouveau en salles dans quelques semaines), La Cité des dangers (Hustle) un déchirant poème urbain sur une histoire d’amour impossible, Bande de flics (The Choirboys) une farce violente au nihilisme implacable. Parmi ses chefs-d’œuvre tardifs il y en a un qui avait sombré dans l’oubli, victime de son échec commercial.

L'Ultimatum des trois mercenaires

L’Ultimatum des trois mercenaires

J’ai vu la version intégrale de L’Ultimatum des trois mercenaires (Twilight’s Last Gleaming, 1977) à la Cinémathèque française il y a près de vingt ans, dans une copie d’époque, mais aussi sa version française écourtée par le distributeur de quarante-sept minutes, dans une salle de quartier. L’ampleur et la virulence du film avaient disparu. Du brûlot politique il ne restait rien. Aldrich vers la fin de sa carrière radicalise son discours et laisse éclater sa colère devant le désastre de la guerre du Vietnam. Cela est perceptible dans son western Fureur apache mais c’est le sujet même de L’Ultimatum des trois mercenaires dans lequel un général renégat ordonne au Président des Etats-Unis de révéler un document confidentiel sur les véritables raison de l’intervention au Vietnam, en le menaçant de faire exploser des missiles nucléaires s’il refuse. Le Président est montré comme un homme intègre mais seul, dernier rempart de la démocratie américaine isolé au milieu d’une meute de politiciens et militaires vieillissants et ivres de pouvoir. L’Ultimatum des trois mercenaires est une production indépendante qui fut entièrement tournée en Allemagne, dans des studios munichois puisque le film est un huis-clos et que l’action est délimitée à une base militaire et aux bureaux de la Maison Blanche. L’Ultimatum des trois mercenaires avec le génial Burt Lancaster en antihéros ambigu (idéaliste ou psychopathe ?) entouré d’une pléiade d’acteurs aldrichiens est aussi une fable paranoïaque sur le péril atomique (le grand sujet d’Aldrich, cinéaste explosif). De tous les derniers films d’Aldrich c’est sans aucun doute le plus personnel et le plus ambitieux en terme de sujet mais aussi de mise en scène avec la systématisation de l’emploi du split screen, notamment lors de deux morceaux d’anthologie : la tentative ratée d’assaut de la base militaire contrôlée par les terroristes et le dénouement tragique. Le split screen renforce la sensation de simultanéité et du déroulement en temps réel de l’action, mais aussi d’ubiquité puisque de nombreuses images sont retransmises par des écrans de télévision à l’intérieur du plan, filmées par des caméras de surveillance. Aldrich fut l’un des grands cinéastes (avec Richard Fleischer dans L’Etrangleur de Boston et John Frankenheimer dans Grand Prix) à expérimenter cette technique de plan scindé en plusieurs images, dès Plein la gueule pour filmer un match de football. Le jeune Brian De Palma l’utilisera aussi dans ses premiers films, bien plus aldrichiens qu’hitchcockiens dans la forme.

Robert Aldrich sur le tournage de L'Ultimatum des trois mercenaires

Robert Aldrich sur le tournage de L’Ultimatum des trois mercenaires

Après sa présentation en première mondiale au Festival del film Locarno en 2012 la version restaurée et intégrale de L’Ultimatum des trois mercenaires est distribuée en France par l’excellente société Carlotta, cette semaine en salles et bientôt en Blu-ray et en DVD.

 

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