Olivier Père

L’Homme des vallées perdues de George Stevens

Swashbuckler Films ressort en salles cette semaine L’Homme des vallées perdues (Shane, 1951) de George Stevens. La popularité de ce western mythique est immense aux Etats-Unis où il est adoré par le public et a presque été érigé au rang de patrimoine national. Pourtant à la revoyure le film de Stevens étonne. Au lieu d’être archétypal, il s’éloigne par bien des aspects des chefs-d’œuvre du genre signés Ford, Walsh, Hawks, DeMille, Vidor, Mann et les autres. L’Homme des vallées perdues est au western ce que Le Magicien d’Oz est à la comédie musicale ou La vie est belle au mélodrame : une anomalie devenue pour certains un modèle, voire un monument au fil du temps. Il n’en est rien. L’histoire de L’Homme des vallées perdues est pourtant classique : un étranger vient en aide à des fermiers persécutés par des riches propriétaires qui veulent spolier leurs terres, et met ses dons de « gunfighter » au service d’une cause juste. Ce qui est original, c’est que le film est raconté du point de vue d’un enfant, fils d’un couple de fermiers, les Starrett (Jean Arthur et Van Heflin) qui accueille le cavalier solitaire. Shane devient le héros légendaire du garçon, qui épie ses moindres gestes et boit ses paroles avec admiration, fasciné par le halo d’aventure et de danger qui entoure l’étranger au passé mystérieux. Un film vu par un enfant, qui idéalise ou fantasme tout ce qu’il observe, dans un contexte néanmoins réaliste, y compris l’amour platonique qui va naître entre Shane et la femme du fermier. Cela confère au film un aspect « bigger than life » où le héros est un chevalier sans peur et sans reproche (l’angélique et court sur pattes Alan Ladd, une certaine idée de la virilité… selon un enfant) et où les méchants sont très méchants y compris sur le plan physique (l’anguleux Jack Palance en tueur à gages de dessin animé dans un rôle qui le marquera à jamais.) Le film est un superbe livre d’images en Technicolor qui contient de nombreuses scènes inoubliables. La bagarre dans le saloon et l’assassinat d’un fermier en pleine rue par le tueur à gages sont des modèles du genre. Le film frappe aussi par la beauté des paysages de montagnes.

Jack Palance dans L'Homme des vallées perdues

Jack Palance dans L’Homme des vallées perdues

Les décors naturels y jouent un rôle important, en particulier les Teton Mountains situés dans le Wyoming au pied desquels se trouve la ferme des Starrett, dont la présence est magnifiée dans le film grâce à l’utilisation de téléobjectifs de 75mm et de 100mm qui faisaient ressortir l’arrière-plan et magnifiaient ces montagnes, les faisant paraître plus hautes et proches qu’elles ne l’étaient vraiment.

L'Homme des vallées perdues

L’Homme des vallées perdues

Sans en être un remake officiel Pale Rider (1985) de Clint Eastwood ne cache pas sa dette envers L’Homme des vallées perdues, mais affadit le matériau original et n’est plus que l’ombre du classique de George Stevens, qui n’a pas volé son statut de grand spectacle familial et gagne à être redécouvert.

Catégories : Non classé

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *