Olivier Père

Tatouage de Yasuzo Masumura

Tatouage

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Yasuzo Masumura fut dans les années 60 un prolifique et brillant cinéaste spécialiste des histoires troubles et sulfureuses, surtout célèbre en occident grâce à L’Ange rouge (Akai tenshi, 1966) et La Bête aveugle (Môjû, 1969), des films extrêmes de sexe et de mort. Masumura est un cinéaste passionnant. Son œuvre opère la transition entre la Nouvelle Vague japonaise, tant pour l’audace de ses sujets souvent puisés dans la littérature que pour sa critique des structures disciplinaires ou traditionnelles de la société nippone, et un certain formalisme des studios (utilisation sophistiquée de la couleur et du cinémascope) porté à son apogée. Masumura est un peintre inspiré des obsessions, des névroses et des relations destructrices entre les deux sexes, affirmant la suprématie de la femme, ange de la mort, amante envoûtée ou mante religieuse. Mais le grand thème de Masumura demeure la vampirisation, décliné dans des histoires cruelles et sexuelles parfois inspirées par le grand écrivain érotique Tanizaki comme Passion (Manji, 1964), chronique d’une relation saphique, ou le génial Tatouage (Irezumi, 1966). Un couple illégitime fuit le pouvoir familial et social pour assouvir son désir sexuel. Profitant de l’absence de son amant, des proxénètes enlèvent la jeune femme pour en faire une geisha. Parmi les brigands rôde un tatoueur fou, fasciné par la peau de la belle captive, qui réalise sur le dos de sa victime son chef-d’œuvre : une araignée géante à tête humaine, qui ondule au moindre mouvement de la femme tatouée. Symbole de la corruption de la jeune femme, le tatouage va accompagner le couple dans une spirale de déchéance. L’homme humilié par la condition de sa maîtresse va commettre plusieurs meurtres, sous l’emprise de la jalousie, tandis que la jeune femme sombrera dans la luxure et la duplicité. Inséparables dans leur chute, les amants maudits s’enfoncent au bout de l’horreur et de l’autodestruction, tandis que leur âme damnée, le tatoueur, observe leur ronde de mort jusqu’à la fusion sanglante des trois corps dans une étreinte fatale. On savait le mélodrame érotique japonais très influencé par Eros et Thanatos, Sade et Bataille, mais jamais un cinéaste, avant ou après Tatouage, n’a décrit avec autant de perversité les mécanismes du mal et de l’amour fou : plus qu’un film, un soleil noir.

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