Olivier Père

Une nuit au Roxbury de John Fortenberry et Les Rois du patin de Josh Gordon et Will Speck

Une nuit au Roxbury (1998). L'idiotie selon Will Ferrell

Une nuit au Roxbury (1998).

Les Rois du patin (2007). L'èchec selon Will Ferrell

Les Rois du patin (2007).

C’était la fin des années 90, l’été de préférence. Une comédie américaine faisait la honte de son distributeur et de son attachée de presse qui conseillait aux journalistes de ne pas aller la voir en projection de presse. Aujourd’hui ils ont réglé le problème puisque ces films ne bénéficient plus que d’une sortie technique (quand ils sortent…) en version française dans une salle parisienne, sans projection de presse (voir le sort injuste réservé au sympathique Trois Corniauds des frères Farrelly).

Cette comédie, Une nuit au Roxbury (A Night at the Roxbury, 1998), nous la découvrîmes par hasard en accompagnant l’ami Jean-François Rauger.

Elle nous laissa épuisés, saoulés, les maxillaires en compotes, les zygomatiques détruites, mais heureux d’avoir autant ri devant un film qui passa bientôt du statut de minable navet estival à celui de maître étalon de la nouvelle comédie américaine, révélant au passage celui qui allait en devenir le dieu vivant (on y reviendra.)

Pour l’instant en 1999 Une nuit au Roxbury faisait la joie de deux amateurs de comiques qui n’ont pas peur de trop en faire pour trop faire rire (comme les Siciliens Franco et Ciccio par exemple), rejoints petit à petit par un cercle de convertis qui n’a cessé de s’élargir. Nous avons donc immédiatement eu un faible pour cette désopilante Nuit au Roxbury produite (et secrètement réalisée) par Amy Heckerling (dont le plus beau titre de gloire reste Fast Times at Ridgemont High, classique absolu de la « teen comedy » en 1982) et surtout écrite et interprétée par Will Ferrell et Chris Kattan, un duo de comique et d’imitateurs à l’époque inconnus ou presque en France et qui appartenaient à la nouvelle génération de la célèbre émission comique « Saturday Night Live ».

Mais venons-en aux faits : Steve et Doug Butabi sont deux frères idiots, l’un lymphatique et l’autre surexcité, qui ne pensent qu’à draguer des nanas et à passer leurs nuits dans des boîtes où ils ne peuvent jamais entrer ou dont ils se font immédiatement expulsés. Ils sont en conflit avec leur père, un marchand de fleurs en pastique d’origine yéménite installé à Los Angeles et qui a honte de sa progéniture. Puceaux à l’âge de trente ans ils habitent encore chez leurs parents et leurs approches maladroites (« ça boume ? ») de la gente féminine se soldent par de cuisants échecs à répétition qui ne les émeuvent guère. Jusqu’au jour où au hasard d’un accrochage en voiture avec le comédien Richard Grieco (ex vedette de la série télé 21 Jump Street) ils parviennent enfin à pénétrer dans le club de toutes les convoitises, le Roxbury, plein à craquer de créatures de rêve en chasse de milliardaires à plumer, et à rencontre son directeur, un type sympathique mais affligé d’obsessions étranges (il répète sans cesse aux interlocuteurs qui se trouvent en face de lui « est-ce que tu m’as mis la main au cul ? ») qui se prend d’amitié pour les deux idiots. Une nuit au Roxbury est une sorte de Dumb et Dumber dans l’univers du clubbing, inspiré par des sketches et des personnages déjà rodés à la télévision. Le film est vraiment drôle lorsqu’il enregistre les grimaces, les tics et les conversations absurdes des frères butabi en voiture (Doug casse le pare brise latéral avec sa tête en battant trop fort la cadence), dans la rue (Steve reçoit de la part d’une jeune créature trop directement abordée un coup de pied dans les parties) ou sur la plage (ils portent de minuscules slips brésiliens) Complètement débile ? Le film a en effet peut de chance de faire avancer le débat entre les partisans du rire intelligent et ceux du rire tout court car il participe pleinement à ce courant de l’humour débilitant et régressif mais également libérateur et sans complexe qui use et abuse du corps et du mauvais esprit de ses héros pour faire rire. Un humour soit disant régressif, gras et facile mais que ne manque pas de pertinence et offre de belles études de caractères. Le duo formé par les deux crétins fonctionne à plein rendement. Après la présentation de leur train de vie le scénario imagine la dispute deux frères à cause d’une femme, leur brouille puis leur réconciliation juste avant que l’irréparable (un mariage) soit commis. A la fin du film tout reviendra au point de départ pour les deux frères, leur virginité en moins et la direction du Roxbury en plus quand même. Esprits forts et moroses s’abstenir.

Si on a perdu la trace de Chris Kattan après Une nuit au Roxbury, Will Ferrell est vite devenu un acteur comique très populaire aux Etats-Unis, multipliant les apparitions et les rôles principaux au cinéma, continuant de participer à des shows à la télévision, mais je demeure pratiquement inconnu du grand public en France. Ses films sont souvent de gros succès au box-office américain mais la plupart doivent se contenter de sorties techniques dans quelques salles parisiennes ou de discrètes éditions DVD. Cela ne l’a pas empêché d’être vénéré en France par une chapelle de cinéphiles français depuis le choc du génial Une nuit au Roxbury.

Il serait temps à propos du cas Will Ferrell de réactiver la peu usitée « politique des acteurs ». Un film avec Will Ferrell est en effet un film de Will Ferrell (il participe souvent à l’écriture de ses personnages ou de l’histoire) et l’on défie ses admirateurs les plus assidus de citer le nom des metteurs en scène de ses meilleures comédies, à l’exception notable d’Adam McKay. Les Rois du patin (Blades of Glory, 2007) est la dernière grande explosion en date du talent burlesque de Will Ferrell et ses amis. Will Ferrell n’est jamais aussi bon qu’en couple, associé à un comparse opposé physiquement à sa carrure de pachyderme, un frère ennemi qui va l’entraîner dans les joutes corporelles et verbales les plus invraisemblables. Il y a beaucoup d’enfance dans l’humour de Will Ferrell, fait de bêtise (son sujet de prédilection), de grossièreté puérile, de surcharge libidinale, de goût du déguisement, mais aussi de poésie, de candeur et d’improvisation. Il y a aussi, comme chez tous les grands comiques, une part de violence, un côté obscur de la farce : Ferrell, c’est une âme d’enfant farceur enfouie dans un corps de tueur en série. Il adore créer des caractères, et sa puissance transformiste semble inépuisable : espion au fez dans les deux premiers « Austin Powers », adolescent attardé fasciné par le clubbing dans Une nuit au Roxbury (chef-d’œuvre inaugural), tyran de la haute couture dans Zoolander, dieu vivant de la drague dans Serial noceurs, mais aussi présentateur télé macho (Présentateur vedette : la légende de Ron Burgundy), champion automobile demeuré (Ricky Bobby – roi du circuit), etc.

Les Rois du patin est son triomphe : patineur artistique accro au sexe, spécialiste des chorégraphies sur glace les plus vulgaires, il va devoir patiner en couple avec son rival, un jeune homme sensible au style diamétralement opposé au sien, et créer avec lui le premier duo masculin de l’histoire du patinage. Will Ferrell est génial, le film parsemé de situations hystériques, à mourir de rire. Les Rois du patin est le sommet de la période « à costumes » de Will Ferrell, dont chaque apparition en tenues de scène débiles (cow-boy, héros du film Tron) provoque une hilarité pavlovienne. On avait inventé le concept d’humour navrant au sujet des premières facéties cinématographiques de Will Ferrell et consort. Passé l’effet de sidération devant l’énormité de certains gags, c’est moins la honte que l’euphorie qui demeure.

Après un état de grâce dans les années 2000, Will Ferrell semble traverser une période de crise avec de gros échecs au box office et des films moins inspirés ou des incursions guère convaincantes dans le registre de la comédie dramatique. Son dernier très bon film remonte à Frangins malgré eux (Step Brothers, 2008), production Apatow où il formait un couple imparable avec le formidable John C. Reilly, compagnon de jeu et de blagues.

On n’a pas encore vu Moi, député mais sa tentative de comédie expérimentale en espagnol Casa de mi Padre est plus un film expérimental qu’une comédie, un objet très étrange mais qui n’apporte pas grand chose à son génie comique.

Notre Top 6 Will Ferrell

1 – Les Rois du patin

Les Rois du patin (2007)

Les Rois du patin (2007) L’échec selon Will Ferrell

2 – Une nuit au Roxbury

Une nuit au Roxbury (1998)

Une nuit au Roxbury (1998) L’idiotie selon Will Ferrell

3 – Présentateur vedette : la légende de Ron Burgundy

Prèsentateur vedette la lègende de Ron Burgundy (2004). La camaraderie selon Will Ferrell

Présentateur vedette : la légende de Ron Burgundy (2004). La camaraderie selon Will Ferrell

4 – Frangins malgré eux

Frangins malgrè eux (2008). La colére selon Will Ferrel

Frangins malgré eux (2008). La colère selon Will Ferrell

5 – Zoolander

Zoolander (2001). La folie selon Will Ferrell

Zoolander (2001). La folie selon Will Ferrell

6 – Elfe

Elfe (2003). L'enfance selon Will Ferrell

Elfe (2003). L’enfance selon Will Ferrell

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