Dans la filmographie insensée de Jess Franco (près de 200 longs métrages en 55 ans de carrière), on ne peut qu’entrer par effraction, au risque de se perdre à tout jamais dans une œuvre foisonnante et surprenante, foutoir qui rassemble le meilleur du « cinéma bis » européen, et le meilleur du pire. Vampyros Lesbos (1971) appartient à une période faste du cinéaste qui enchaînait alors les films sexy et psychédéliques. Il s’agit d’une lecture saphique très personnelle de l’univers de Bram Stoker, préalablement adapté avec beaucoup de respect par Franco (Les Nuits de Dracula, 1970). Le vampire est devenu ici une fascinante jeune aristocrate qui séduit une version féminine de Renfield venue lui rendre visite sur une île ensoleillée. On retrouve le plaisir insatiable de Franco à filmer à l’infini les mêmes histoires, des actrices peu farouches et des décors naturels paradisiaques. Érotomane, voyeur et fou de littérature fantastique, Franco n’a jamais été autant inspiré que par le récit de Bram Stoker et le corps splendide de Soledad Miranda. Cette jeune actrice espagnole deviendra l’égérie du cinéaste le temps de quelques films avant de disparaître dans un accident de voiture à l’âge de 27 ans. Le long strip-tease qu’elle effectue sur une scène de cabaret, entre un mannequin de chair et un miroir coctaldien, bercée par une fabuleuse musique électro teutonne constitue l’ouverture inoubliable d’un long solo de free jazz cinématographique riche en surprises et en hallucinations. Vampyros Lesbos devrait convaincre les néophytes du génie unique de Jess Franco.
Vampyros Lesbos de Jess Franco
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Je dois être un vieux pervers dépravé, mais ce film ne m’a jamais émoustillé! Je n’ai trouvé aucune saveur érotique à ces relations lesbiennes. Au terme de ma petite analyse, je crois en deviner la raison.
En fait, considérant l’ensemble du film, j’hésite à interpréter ce que j’ai vu: est-ce de l’audace ou de la négligence? Frappantes sont les très nombreuses pertes de focale, les flous inexplicables, les décrochements du cadre, les zooms qui ratent leur cible etc. Une bonne partie de la mise en scène semble aléatoire et confiée au premier caméraman qui passe. La direction n’est visiblement pas appréhendée par Franco comme un continuum où le narratif justifierait le recourt à une esthétique particulière. C’est l’inverse: la forme précède le fond et c’est surtout l’inspiration du moment qui guide son travail, avec toutes les scories que l’expérience peut produire, mais qu’il conserve!
Il en résulte un œuvre cabossée, baroque, bizarre. Étonnamment, elle est sauvée justement par ces effets de mise en scène incertains qui fragmentent le récit et propulsent de film dans une dimension allégorique, mystérieuse à défaut d’être fascinante. La musique est forte en elle-même, mais elle sert d’oripeau psychédélique, c’est un manteau chatoyant sur un corps disgracié, une idée en plus, intéressante, belle, mais qui creuse encore davantage le côté artificiel du film. Raison aussi sans doute pour laquelle les actrices ne sont pas mieux érotisées: Franco ne semble pas s’intéresser à ses acteurs, ce sont des figures; et si les filles sont nues, et bien, c’est qu’elle ne portent pas de vêtements! Leur nudité est une forme plastique comme une autre: pour qu’elle devienne érotique, il aurait fallu qu’il la charge d’affects, d’émotions. Ce qu’il se refuse à considérer.
Au bout du compte, je retiens un film parfois beau, étonnamment jamais ridicule (contrairement au Syndrome de Stendhal, vu juste avant!), mais toujours faux et désincarné, ce qui m’a fait décroché à plusieurs reprises (je me suis endormi 2 fois au cours de 3 séances successives!)
C’est l’éternel débat, qui perdure même après la « réhabilitation » de Jess Franco et que vous résumez bien : Franco est-il un fumiste ou un artiste, un bâcleur compulsif ou un créateur de formes expérimentale ? sans doute un peu de tout ça à la fois. il faut parfois s’accrocher, puisqu’on navigue entre série Z, porno soft et improvisations sur le tournage. je compte parmi ses défenseurs, tant sa passion du cinéma était intense, et ses films les plus réussis complètement fous. Certains de ses admirateurs comparent son cinéma à du free jazz. ce n’est pas idiot. Jess Franco aura au moins essayé une sorte d’équivalent cinématographique à cette musique avant-gardiste qu’il adorait.
Évidemment, il a trouvé sa place dans le genre qui pouvait le mieux supporter ses égarements. Le fantastique traite de failles dans la réalité, de pulsions, éros et thanatos, la peur, l’angoisse, le refoulement… Pas question pour lui de raconter une histoire policière; enfin, je suppose rien qui s’apparente à une structure logique!
Vous auriez un autre film de lui à me suggérer?
J’ai vu que vous aviez aimé le Miroir Obscène… uniquement dispo à l’achat.
Jess Franco ne semble pas être une référence qui intéresse les bibliothèques belges, on propose tout de même ces films:
LE SADIQUE BARON VON KLAUS
LES PRÉDATEURS DE LA NUIT
L’HORRIBLE DOCTEUR ORLOF
LES MAÎTRESSES DU DR JEKYLL
DON QUICHOTTE
Vous connaissez ces films ci-dessus? Un qui serait à voir plus que les autres? merci!
Oui je les ai vus il y a à boire et à manger dans l’oeuvre de Jess Franco (200 films) donc je vous conseille de commencer dans l’ordre chronologique :
L’HORRIBLE DOCTEUR ORLOF
DANS LES GRIFFES DU MANIAQUE
LES BRULANTES (99 WOMEN)
VENUS IN FURS (PAROXISMUS)
LES NUITS DE DRACULA
LES INFORTUNES DE LA VERTU
LES DÉMONS
EUGENIE (peut-être le film de lui que je préfère, Franco a souvent adapté Sade)
LE MIROIR OBSCENE
PLAISIR A TROIS
…
après il y a des choses intéressantes mais ça part un peu vrille et Franco tourne des films avec des producteurs de plus en plus fauchées, cela lui donne une plus grande liberté parfois mais le résultat peut dérouter…
LE SADIQUE BARON VON KLAUS n’a pas beaucoup d’intéret parmi ses films en noir et blanc des années 60, LES PREDATEURS DE LA NUIT est un nanar des années 80 produit par René Chateau et un auto-remake de l’Horrible docteur Orloff.
Don Quichotte est un montage assez contestable des rushes du film de Welles jamais terminé (Franco était son assistant aussi sur FALSTAFF). beaucoup de films de Jess Franco de la meilleure périodes ont édité en BR chez ARTUS, je doute qu’ils soient disponibles en bibliothèques et sont peut-être déjà épuisés.
quand même 136 films édités par Artus films dispos dans les bibliothèques; bel effort! Mais pas un Franco, haha! Plein de choses qui font envie ceci dit.
Je regarderai donc L’Horrible Docteur Orloff, les yeux dans les yeux!