Olivier Père

Quelques Heures de printemps de Stéphane Brizé

Après sa présentation en première mondiale sur la Piazza Grande lors de la 65ème édition du Festival del film Locarno, Quelques Heures de printemps sort aujourd’hui dans les salles françaises, distribué par Diaphana Distribution.

A 48 ans, Alain Evrard sort de prison. Il est obligé de retourner habiter chez sa mère, en attendant de se réinsérer complètement dans la société. Cohabitation forcée qui fait ressurgir toute la violence de leur relation passée. Il découvre alors que sa mère est condamnée par la maladie. Dans ces derniers mois de vie, seront-ils enfin capables de faire un pas l’un vers l’autre ?

Le film de Stéphane Brizé se révèle bouleversant. Moins qu’un film à thèse sur la fin de vie ou le suicide assisté, malgré son sujet, Quelques Heures de printemps aborde surtout le thème de la relation mère fils, et le drame de deux êtres à la fois inséparables et antagonistes, incapables de se parler ou de s’exprimer leur amour sauf dans la dispute et le conflit. Cette timidité devant les sentiments de personnages modestes ayant du mal à parler était déjà au cœur du film précédent de Stéphane Brizé, Mademoiselle Chambon (2009), déjà avec Vincent Lindon et Sandrine Kiberlain. Quelques Heures de printemps est l’histoire d’un amour impossible à exprimer et à avouer entre une mère et son fils, devenu un adulte sans avoir réussi à régler ses problèmes avec sa génitrice, inapte à construire sa vie et à trouver le bonheur : difficulté à trouver un travail intéressant, difficulté à aimer une femme, même lorsqu’elle a les traits de la belle Emmanuelle Seigner, qui s’attache à lui dans une relation à la fois charnelle et sentimentale. Vincent Lindon incarne à la perfection cet homme silencieux et renfermé. Il s’impose de films en films comme le meilleur acteur français de sa génération. En face de lui Hélène Vincent est absolument magnifique dans le rôle de sa mère. Les mots « pudeur » et « émotion » sont les mots qui viennent immédiatement à l’esprit devant ce film et le travail de Stéphane Brizé en général. Avec Quelques Heures de printemps il ne fait aucun doute que le cinéaste est parvenu à une réussite totale et à une forme d’aboutissement précoce de son projet de cinéaste, tant au niveau de l’écriture (remarquable) que de la mise en scène. Sous son classicisme et son romanesque assumés, le film dévoile des beautés qui sont celles de la mise en scène. Nous ne sommes plus seulement dans le registre de la sobriété, mais dans celui de l’épure, avec des plans d’une frontalité et d’une rigueur implacables, qui nous émeuvent aux larmes parce qu’ils se contentent d’enregistrer ce qui est, avec une vérité qui transcende le naturalisme. Le long plan de la dernière et plus importante séquence, dans un mouroir suisse, est si admirable qu’il nous permet d’évoquer Ozu, Dreyer et Pialat au sujet d’un film qui fuit les effets de style mais qui possède une force souveraine.

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