Olivier Père

Les Poupées du diable de Tod Browning

Les Poupées du diable (1936)

Les Poupées du diable (1936)

L’achat récent d’un coffret DVD regroupant plusieurs petits classiques du fantastique américain des années 30 m’a permit de voir ou revoir cinq titres fameux : Le Masque d’or (The Mask of Fu Manchu, 1932), Les Mains d’Orlac (Mad Love, 1935), Doctor X (1932) et sa suite, et ces poupées du diable autrefois admirées à la Cinémathèque française. Le Masque d’or permet d’admirer Boris Karloff en chinois diabolique dans une bande raciste qui multiplie les raffinements sadiques et érotiques (le personnage inoubliable de la fille de Fu Manchu interprétée par Mirna Loy). Les Mains d’Orlac, hymne à l’amour fou chéri des surréalistes est le dernier film en tant que metteur en scène du génial directeur de la photographie Karl Freund qui débuta sa carrière en Allemagne, éclaira plusieurs chefs-d’œuvre de l’expressionnisme (Le Dernier des hommes, Metropolis) avant de partir à Hollywood. Docteur X, enquête sur des actes de cannibalisme en plein New York, est une curiosité signée Michael Curtiz qui possède la particularité d’être un des premiers films hollywoodiens en couleurs (deux couleurs pour être exact, selon le procédé 2-strip Technicolor), mais le film de Curtiz est inférieur à son Masques de cire (Mystery of the Wax Museum) réalisé un an plus tard. Mais le meilleur film du coffret demeure Les Poupées du diable (The Devil Doll, 1936).

La rencontre de Browning, Barrymore et Stroheim accouche d’un chef-d’œuvre de l’insolite. Conte de fée, mélodrame, science-fiction, miniaturisation et travestissement. Quand le cinéma américain savait délirer…

Les Poupées du diable est sans doute, après le sublime Freaks, le plus génial des films parlants de Tod Browning. Célèbre pour sa collaboration avec l’acteur transformiste Lon Chaney, « l’homme aux mille visages », Browning trouve en Lionel Barrymore un digne successeur à Chaney et ses compositions extravagantes. Barrymore interprète un banquier condamné à tort qui s’évade du bagne et se venge de ses ennemis grâce à des sbires miniaturisés. Le film est un mélodrame noir (meurtres et vols de bijoux au programme), une terrible histoire de vengeance à laquelle vient se greffer un argument fantastique, selon la tradition des surprenants mélanges de genres et de tons (la bouffonnerie et la tragédie). Les effets spéciaux sont extraordinaires et l’idée fascinante de la miniaturisation, à la source de plusieurs classiques du cinéma fantastique, donne lieu à des scènes très poétiques et angoissantes. La cruauté de l’histoire, qui condamne le pouvoir corrupteur de l’argent et fait l’éloge de l’amour paternel (le banquier veut rétablir son honneur, mais opère aussi dans l’ombre pour rendre sa fille riche et heureuse) porte sans conteste la marque de la personnalité d’Erich von Stroheim qui participa à l’écriture du scénario. On a oublié de préciser que Lionel Barrymore, pour rester incognito après son évasion, a la curieuse idée de se déguiser en grand-mère (on se demande encore pourquoi), ce qui offre à l’acteur l’un des plus ahurissant numéro de travestissement de l’histoire de cinéma.

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