Olivier Père

Le Mystère Andromède de Robert Wise

Le Mystère Andromède (1971) est sorti en DVD en France, édité par Opening, disponible depuis le 17 août. C’est un des premiers – et meilleurs – classiques de la science-fiction moderne, signé par Robert Wise (1914-2005) un cinéaste versatile et talentueux responsable de plusieurs réussites dans les principaux genres hollywoodiens (western, film noir, fantastique, comédie musicale) y compris la science-fiction où il s’était déjà illustré en 1951 avec le célèbre Le jour où la terre s’arrêta et qu’il retrouvera en 1979 avec Star Trek le film, son avant-dernier titre.

Par son approche scientifique et presque documentaire du genre, on a souvent comparé Le Mystère Andromède à 2001 : l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick. Mais c’est surtout à un film d’anticipation comme Soleil vert que Le Mystère Andromède devrait être associé. Robert Wise comme Richard Fleischer, auteurs de très bons films dans les années 60 et 70, ont participé au renouveau du cinéma américain, à l’écart cependant du Nouvel Hollywood car moins tapageurs, jeunes et ambitieux que les Penn, Coppola et autres Bogdanovich. « Auteur » est en effet le dernier mot qui vient à l’esprit lorsque l’on évoque ces deux cinéastes, artisans consciencieux qui ont fait leurs débuts avec des séries B de la RKO avant d’accéder à des budgets importants pour d’autres studios. Pourtant ils furent capables de saisir les évolutions et les transformations de la société et des mentalités dans de puissants films hollywoodiens, mais aussi d’employer à bon escient les expérimentations formelles et esthétiques propres à l’époque au travers d’un cinéma ouvertement commercial. Ainsi Wise, cinéaste classique, utilise-t-il dans Le Mystère Andromède le « split screen » (écran scindé en deux ou plusieurs scènes simultanées, multipliant les points de vue), à l’instar de Richard Fleischer dans L’Etrangleur de Boston (1968) ou de Robert Aldrich dans Plein la gueule (1974) ou L’Ultimatum des trois mercenaires (1977).

Le Mystère Andromède décrit une situation de crise, au cours de laquelle le sort de l’humanité va se décider en quelques heures, dans le plus grand secret. Une station spatiale s’est écrasée dans le désert du Nouveau-Mexique. Une substance mystérieuse s’est échappée de l’engin et a provoqué la mort instantanée des habitants d’un petit village proche de l’accident. Seuls un vieillard et un enfant ont survécu à l’hécatombe. L’armée réunit une équipe de scientifiques chargée d’identifier le virus, probablement d’origine extraterrestre…

Avec une remarquable économie de moyens, le film propose un haletant suspens en huis-clos, sans aucune facilité mélodramatique, adoptant le style d’une enquête où les savants doivent résoudre en très peu de temps une énigme qui met en danger l’existence même de l’homme sur Terre. Mais Wise se pose également en moraliste, et sa modestie n’empêche pas un exposé d’une grande intelligence sur la responsabilité des politiciens si une telle situation devait réellement se produire. Jacques Lourcelles, dans son « Dictionnaire du cinéma – les films » (Editions Robert Laffont) a consacré au film de Robert Wise une excellente analyse. « Le mérite spécifique du Mystère Andromède, c’est que Wise mène sa réflexion sans jamais quitter le détail concret d’une investigation scientifique particulièrement complexe et qui, en d’autres mains, deviendrait rebutante. (…) Avec plus d’intensité encore que dans Le jour où la terre s’arrêta, l’auteur appelle chaque spectateur à participer à une réflexion sur le devenir de l’univers dont l’urgence ne saurait échapper à personne. » (Jacques Lourcelles)

Sans rien enlever au talent de Wise, la réussite du Mystère Andromède doit beaucoup à Michael Crichton.

D’abord médecin, puis écrivain, scénariste, cinéaste, producteur pour le cinéma et la télévision, Michael Crichton, décédé en novembre 2008 d’un cancer de la gorge, aura été un grand entrepreneur de spectacle moderne, attaché à une certaine tradition du divertissement américain.

Crichton naît en 1942 à Chicago, mais grandit à New York et fait ses études à Harvard. Il s’oriente d’abord vers la littérature, mais ce sont les sciences qui le passionnent et il devient médecin. Il écrit dans des magazines et des romans sous des pseudonymes divers. Son premier roman Le Mystère Andromède, porté à l’écran par Robert Wise, est un classique de la science-fiction « réaliste », grâce au point de vue clinique et sérieux de Wise, et propulse le jeune Michael Crichton au rang d’écrivain et de scénariste à succès, mais aussi de cinéaste occasionnel (les très bons Mondwest et Looker, entre autres). C’est bien la sobriété d’un Robert Wise qui semble avoir inspiré Crichton derrière la caméra. Crichton validera cette hypothèse en déclarant dans un entretien qu’il se considérait en tant que metteur en scène comme l’anti-Scorsese, soit un cinéaste qui refuse les effets de signature et s’efface derrière les mécanismes du scénario et la force du récit. Modestie de l’image vis-à-vis de l’écrit, mais aussi suprématie du concept dans les films de ou adaptés de Crichton, qui n’est pas un simple illustrateur, mais accorde aux idées surprenantes et aux nombreuses spéculations technologiques ou scientifiques qui parsèment les films qu’il réalise, écrit ou produit, une place prépondérante.
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Catégories : Actualités

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