Amore

Dans la première histoire, La voix humaine, une femme désespérée, cloîtrée chez elle, parle longuement au téléphone avec son amant qui vient de la quitter. Malgré son amour infini, elle doit se résoudre à ce que cet appel soit le dernier. Dans la seconde, Le miracle, une paysanne naïve et psychologiquement instable croise un berger, qu'elle prend pour saint Joseph. Il ne la détrompe pas et en profite pour l'enivrer afin d'abuser d'elle. Quand la jeune femme découvre qu'elle est enceinte, elle a la certitude d'être une élue de Dieu. Mais tout son village se moque d'elle et la rejette.  

Au bord du gouffre émotionnel 
Quel hommage ! Amore est le dernier film tourné par Roberto Rossellini avec Anna Magnani, sa compagne de l'époque. En deux histoires distinctes, il offre à l'actrice des rôles à la mesure de son talent exceptionnel. Pour La voix humaine, tirée d'une pièce éponyme de Jean Cocteau, Anna Magnani est seule au téléphone, tentant de conjurer le tragique d'une séparation qui pourrait la mener au suicide. Dans ce qui apparaît au spectateur comme un monologue (on n'entend pas l'homme au bout du fil), elle passe par tous les états émotionnels, de l'espoir aux humeurs les plus noires, capable de la plus touchante sincérité comme de chantage affectif ou de grossiers mensonges. Son visage d'une étonnante plasticité, miroir hypnotique de ses tourments, la rend bouleversante. Dans Le miracle, la comédienne se retrouve encore une fois au bord du gouffre : elle perd la raison, tombée sous l'emprise d'un mysticisme dévorant. Mais cette jeune femme candide piégée par un homme sans scrupules n'est pas perçue comme une victime par son village, où personne ne cherche à comprendre comment elle est tombée enceinte. Prise pour une folle simplement délirante, elle est humiliée en public... À noter que le mystérieux berger de passage n'est autre que Federico Fellini lui-même. Alors scénariste et jeune assistant de Rossellini, le futur maître y apparaît svelte, barbu et doté d'une belle tignasse, dans une séquence magnétique au cours de laquelle il ne prononce aucune parole. Une curiosité de plus pour un film sans équivalent.