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Javier Cercas et "L'Imposteur"
53 min
Disponible à partir du 15/09/2025
À la télévision le lundi 22 septembre à 23:35
Enric Marco, un homme ordinaire, a mystifié l'Espagne pendant trente ans en affirmant avoir survécu aux camps de concentration nazis. Images inédites à l'appui, l'écrivain Javier Cercas revient sur cette histoire, à l'origine d'un livre fascinant sur le mensonge et la mémoire : "L'imposteur".
En mai 2005, coup de tonnerre en Espagne : Enric Marco, président respecté de l'Amicale des anciens déportés de Mauthausen, est accusé d'avoir construit de toutes pièces son passé de résistant antifranquiste et de détenu dans le camp de concentration de Flössenburg pendant la Seconde Guerre mondiale. Son mensonge a tenu trente ans, pendant lesquels il a raconté "son" histoire dans divers livres et nombre d'interventions publiques, ce témoignage lui permettant d'accéder à des fonctions honorables telles que celle de secrétaire général de la CNT espagnole (Confédération nationale du travail, organisation anarcho-syndicaliste emblème de l'antifranquisme) à la fin des années 1970. Le masque tombe lorsqu'un historien, Benito Bermejo, exhumant des archives et croisant des éléments de son récit avec les souvenirs de vrais déportés, montre que Marco a bien séjourné en Allemagne à l'époque, mais en tant que travailleur volontaire. Pour Javier Cercas, écrivain-enquêteur connu pour ses livres sur le passé refoulé de l'Espagne (Les soldats de Salamine), cette révélation est un choc. Après plusieurs années d'hésitations, il se décide à écrire sur le sujet et va à la rencontre d'Enric Marco, alors retiré dans son appartement de la banlieue barcelonaise. Entre le mystificateur et l'auteur en quête de vérité se noue une relation de confiance qui va donner naissance à un livre, L'imposteur.
L'"industrie de la mémoire"
Les rencontres entre Enric Marco – décédé en 2022 – et Javier Cercas ont été filmées à l'époque de la préparation de L'imposteur, en 2013. Ces images inédites constituent le cœur de ce documentaire et de l'énigme qu'il cherche à cerner, à travers les souvenirs de Cercas et un ensemble d'archives revenant sur l'affaire. La défense d'Enric Marco est simple : oui, il a menti, mais c'était pour mieux faire connaître la grande histoire, le récit de son expérience inventée ayant permis de sensibiliser de nombreux Espagnols à la réalité des camps nazis. L'objectif de Cercas est de démonter ce nouveau fantasme en montrant que Marco a construit sa vie, ou plutôt ses vies, comme une succession d'affabulations servant son propre intérêt. Pour lui, cet extraordinaire conteur incarne ce qu'il nomme l'"industrie de la mémoire", tendance de toute nation à réécrire la réalité pour se mirer dans un passé héroïque. À la différence d'un Don Quichotte qui, à la fin de sa vie, renonce à son mensonge, Marco, jusqu'au bout, cherche à lui trouver une justification. C'est tout le mystère de cet homme que l'écrivain est parvenu à rendre sensible, et qui transparaît dans les images de ce film.
Réalisation
Catherine Bernstein
Pays
France
Année
2024