Frère et sœur

Louis Vuillard et sa sœur Alice ne se côtoient plus depuis vingt ans : jadis complices, les deux quadragénaires se vouent désormais une haine féroce. Écrivain ravagé par la perte de son fils unique, le premier vit reclus avec son épouse dans la campagne profonde de l’arrière-pays toulousain, tandis que son aînée, comédienne reconnue et mère d’un adolescent, enchaîne les succès sur les planches parisiennes. Si Louis et Alice s’accommodent de cette guerre froide grâce aux kilomètres qui les séparent, le grave accident de voiture dont sont victimes leurs parents les oblige à revenir tous les deux à leur chevet, à Roubaix, aux côtés de Fidèle, troisième membre de la fratrie. Le conflit réactivé, le deuil qui s’annonce n’en sera que plus douloureux… 
 
Blessures narcissiques 
On cherchera en vain l’élément déclencheur qui expliquerait clairement la détestation mutuelle qu’Arnaud Desplechin place au cœur de son film. Le réalisateur, qui avait déjà esquissé ce thème du ressentiment fraternel dans Un conte de Noël, préfère le disséquer, en décliner les rancunes, les mesquineries puériles et les blessures narcissiques. Il retrace à coups d’allers-retours dans le temps l’histoire de cette relation conflictuelle, pourtant tissée d’admiration, qui s’amplifie au fil des années au point de devenir obsessionnelle, se révélant aussi puissante et irrationnelle qu’une passion amoureuse. En héros dont les émotions, inscrites jusque dans les corps, confinent à la démesure tragique, Melvil Poupaud et Marion Cotillard se montrent remarquables d’intensité.