Un flamenco d’un nouveau genre

À 5 ans, il claquait déjà des talons, s'enfermant dans sa chambre après avoir enfilé en cachette une jupe de sa mère, son soutien indéfectible. Né en 1980 à Grenade dans une famille modeste, Manuel Liñán oppose précocement au rêve de son père de le voir torero une passion furieuse pour le flamenco. Sa professeure, Marichú, qui repère son talent hors norme et sa grâce, l'encourage. S'affranchissant de la tradition, qu'il maîtrise parfaitement, le jeune prodige ose bientôt intégrer à ses chorégraphies les mouvements de hanches et de poignets jusque-là strictement réservés aux femmes. Dans Pie de hierro (Pied de fer), le danseur met en scène le duel ambivalent avec son père. Et dans ¡Viva!, lui et sa troupe, en châle et robe à volants, les batas de cola, contournent avec virtuosité les clichés de genre dans une fiesta libératrice.

La loi du désir
Entre flamenco et tauromachie, la fierté de sa mère et la sourde déception de son père – auquel il réserve, à chacun de ses spectacles, une place qui reste vide –, Manuel Liñán retrace son parcours d'émancipation, l'émotion à fleur de peau, en évoquant son rapport à la religion dans une Andalousie aux fascinantes processions. Des tablaos, les salles dédiées au flamenco, aux scènes de théâtre, l'artiste raconte "l'extase qui s'empare de [lui]" quand il danse. Brûlantes d'intensité, ses chorégraphies, dont ce documentaire présente avec bonheur de larges extraits, sont infusées d'une sensualité inspirée, dit-il, par ses histoires d'amour. Avec les témoignages de ses proches, ce portrait attachant d'une figure phare du flamenco nouvelle génération fait partager les étapes de son processus créatif, des répétitions à la première de Muerta de amor, sa dernière pièce habitée par le désir.