Les secrets des fresques d’Amazonie

Dans le sud-est de la Colombie, la forêt amazonienne, qui recouvre le parc national de Chiribiquete, recèle un trésor archéologique que les scientifiques commencent à peine à étudier : d'énigmatiques peintures ocre rupestres, réalisées sur les parois de plusieurs tepuys, des montagnes érodées qui se dressent au milieu de la jungle. Présentes sur des centaines de mètres carrés de roche et restées à l'abri des regards pendant des décennies, elles représentent des animaux – jaguars, tortues, singes ou poissons-chats, ainsi que des espèces aujourd'hui disparues de la forêt –, mais aussi des figures humaines, des scènes de chasse ou des symboles géométriques. Si certains sites ont été examinés dès les années 1990 par les archéologues, il en existerait des milliers d'autres sous la canopée. Qui sont les auteurs de ces œuvres mystérieuses ? À quand remontent-elles ? Que racontent-elles des croyances et mythes ancestraux ? Pour les chercheurs colombiens, longtemps privés d’accès à la jungle à cause des guérilleros, le temps est venu de s'emparer de cette mémoire peinte ou gravée sur la pierre, qui témoigne de l'histoire de peuples amazoniens vivant ici il y a plusieurs milliers d'années, et de briser les stéréotypes d'une forêt vierge sans culture ni civilisation…

Mille-feuilles
Les recherches de l’équipe menée par Carlos Castaño, l'un des premiers archéologues à avoir exploré ces zones très difficiles d'accès, constituent le cœur de cette étonnante enquête archéologique. À une heure d'hélicoptère de la ville la plus proche, les scientifiques s'immergent une semaine dans la jungle pour étudier un site exceptionnel, recouvert de multiples couches de pictogrammes remarquablement conservés. Orné par différentes générations d'artistes, cet immense mille-feuille raconte plusieurs époques, migrations, ethnies et styles : un minutieux travail de datation de ces peintures pourrait ainsi contribuer à redéfinir la chronologie du peuplement du continent par l'homme.