Pour des raisons de droits, ce programme n’est pas disponible dans le pays dans lequel vous vous trouvez.
À suivre :
Finale - Prix de Lausanne 2025La maman et la putain
210 min
Disponible jusqu'au 01/09/2025
Jeune Parisien oisif, Alexandre passe ses journées dans les cafés de Saint-Germain-des-Prés, à lire, à boire et à discourir. Il vit avec Marie, une femme plus âgée, avec qui il a des rapports houleux. Un jour, il rencontre Véronika, une blonde et jeune infirmière un peu perdue. Il la ramène chez Marie. Une vie à trois s’organise en toute liberté. Mais Véronika aime Alexandre et veut garder l’enfant qu’elle attend de lui...
États d'urgence
Construit sur de longs plans fixes dans lesquels alternent prises directes et dialogues très écrits, ce film-fleuve repousse les frontières entre le documentaire, l’autobiographie et la fiction pour faire résonner une tonalité unique (même si Cassavetes s’en est parfois rapproché), comme capturée en état d’urgence et sous l’emprise d’une déchirante nécessité intérieure. Eustache évite tous les risques d’outrance ou de ridicule dans sa description presque clinique d’un amour entre deux femmes et un homme. En se jouant de la norme et des modes, il rend son film intemporel : un dialogue dans la lignée des auteurs classiques (Marivaux, Musset), un esprit flaubertien dans l’analyse distanciée et sans concession du comportement humain, une facture parfois bressonienne... La maman et la putain, qu'il est passionnant de revoir cinquante ans après sa sortie, à la lumière du mouvement #MeToo, analyse la faillite du couple libre, sans faire ni reproches ni discours moralisateurs, mais sur le ton d’un constat triste, parfois amer, toujours juste et précis. Les trois protagonistes sont bien ensemble, mais sans tout à fait être heureux. De ce décalage naissent l’incertitude et le doute. Les blessures intérieures remontent à la surface, et surgit le magnifique monologue de Véronika/Françoise Lebrun sur les femmes et les "putes". Les personnages, en particulier Alexandre (Jean-Pierre Léaud, agaçant et touchant à la fois), s’abîment dans la contemplation d’eux-mêmes. Ce narcissisme assumé, d’abord insolite, devient vite fascinant, car La maman et la putain est d’abord un film sur la durée, qui tente de maîtriser son flot d’images et de sensations, le temps qui s’écoule en même temps que les mots proférés. Cela donne de surprenants retournements, des changements d’humeur, une valse aléatoire qui se retrouve dans la facture même du film : on ne sait jamais comment un plan va finir, et une sorte de suspense s’installe qui nous tient en haleine. "Après les crises, il faut tout oublier, tout effacer, comme la France après l’Occupation ou après Mai 68", déclare Alexandre, qui dit aussi : "Je suis persuadé que tout ce qui est arrivé dans le monde ces dernières années est dirigé contre moi"... Cette grande œuvre nihiliste, romantique, aussi, dans sa référence constante à une cinéphilie nostalgique (Murnau, notamment : Eustache filme le visage de Véronika comme le grand maître expressionniste allemand filmait celui de ses héroïnes), est également radicale, ironique, désespérée. Eustache disparaîtra à l’orée des années 1980, réalisateur empêché par l’industrie du cinéma, coupé de sa caméra et du monde, comme on se voit couper les vivres, comme on se coupe les veines.
Avec
Jean-Pierre Leaud
Françoise Lebrun
Bernadette Lafont
Réalisation
Jean Eustache
Pays
France
Année
1972