Olivier Père

Mémoires d’un corps brûlant de Antonella Sudasassi

Découvert à la Berlinale en 2024, cet essai fictionnel emprunte au documentaire, à moins que ce soit l’inverse. Il nous conte cinquante ans de la vie d’une femme, et le long et douloureux chemin vers la libération. Mémoires d’un corps brûlant (Memorias de un cuerpo que arde) propose l’autoportrait d’une femme de l’enfance à la vieillesse. En voix-off, Ana raconte avec ses mots une vie gâchée par le patriarcat et les violences conjugales, sous le joug du père, du frère, du mari avant de pouvoir enfin prendre le contrôle de son existence et son corps, et de goûter à une indépendance véritable. Il est beaucoup question de sexualité, et de plaisir. La cinéaste costaricaine Antonella Sudasassi, dont c’est le deuxième long métrage, trouve un dispositif malin pour donner la parole à son héroïne dans son environnement quotidien, un appartement reconstitué en studio dont les parois amovibles laissent entrer plusieurs moments de sa vie. Ana nous transporte d’une décennie à l’autre en évoquant les souvenirs d’une vie entre tabous, sentiment de culpabilité et désirs secrets. Le film commence en douceur, évoque la sexualité du troisième âge, pour se conclure sur les souvenirs glaçants de viols conjugaux et de violences domestiques répétées. Antonella Sudasassi signe un film hybride et convaincant. Nous sommes entre fiction et documentaire, reconstitution et installation – un décor unique qui permet aux différentes époques de se mêler, comme les souvenirs. On pense à Akerman, Varda, Saura ou Bellocchio qui avaient imaginé des approches spatio-temporelles comparables pour explorer la psyché de leurs personnages. Nous ne sommes pas dans le film à thèse mais dans une oeuvre de création.

 

Disponible en DVD, édité par Nour Films.

Catégories : Actualités

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