Ce cycle se concentre, à l’exception de Francisca, sur des titres de la période « française » de la longue et fantastique carrière du cinéaste portugais, dont l’œuvre a débuté au temps du muet avant de s’achever en 2015, soixante-six films plus tard, au terme d’une vie longue de cent six années. D’abord épisodique et contrarié par la dictature de Salazar, le rythme de travail de Oliveira s’accélère dans les années 80 grâce à sa rencontre avec le jeune producteur Paulo Branco. Parmi ses chefs-d’œuvre on peut citer Francisca, Val Abraham d’après Madame Bovary ou Je rentre à la maison qui offre à Michel Piccoli l’un de ses plus beaux rôles.
Sur arte.tv et YouTube ARTE Cinéma du 1er mars au 31 août.
Francisca
Portugal, 1981, 2h40, version restaurée.
d’après le roman d’Agustina Bessa-Luís.
Avec Teresa Menezes, Diogo Dória, Mário Barroso, Manuela de Freitas, Cecília Guimarães.
Dans les années 1850, au Portugal, un écrivain et son ami s’éprennent de deux sœurs anglaises. Dernier volet de la « tétralogie des amours frustrées » ce film-fleuve puise sa trame dans le roman Fanny Owen (1979) de l’immense écrivaine Agustina Bessa-Luís, il sera présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes en 1981.
Party
Portugal/France, 1996, 1h30, version restaurée.
Avec Leonor Silveira, Michel Piccoli, Irene Papas, Rogério Samora.
La rencontre avec Manoel de Oliveira demeure certainement la plus importante de la dernière partie de la filmographie de Michel Piccoli. Le cinéaste portugais débute sa carrière au début des années 1930 avec un court métrage muet, Douro, Faina Fluvial, puis réalise en 1942 son premier chef-d’œuvre, Aniki Bóbó, annonciateur du néo-réalisme italien. Après une longue éclipse, la carrière d’Oliveira s’accélère à la fin des années 1970 sous l’impulsion du producteur Paulo Branco, au rythme soutenu d’un film annuel. Oliveira a quatre-vingt-sept ans quand il dirige Michel Piccoli pour la première fois dans Party, en 1995. Le film, divisé en deux actes, se joue entre quatre personnages et propose une réflexion sur les jeux de l’amour et les rapports entre hommes et femmes. Michel Piccoli interprète un libertin vieillissant mais toujours vert, « un général dans la guerre des sexes » qui considère la séduction comme un complot mêlé d’un amusement. Invité à une garden-party, il entreprend de convaincre la maîtresse de maison (Leonor Silveira) de tout quitter pour lui.
La Lettre
Portugal/France/Espagne, 1998, 1h43, version restaurée.
d’après La princesse de Clèves de Madame de La Fayette
Avec Chiara Mastroianni, Antoine Chappey, Pedro Abrunhosa
Prix du jury à Cannes en 1999, cette libre adaptation de La princesse de Clèves dans le Paris des années 1990 propose la réjouissante dissection d’une haute bourgeoisie hors de son temps et du monde. Manoel de Oliveira offre à Chiara Mastroianni un rôle aux antipodes du naturalisme ou de la psychologie. Sans beauté altière, sa réserve un peu sauvage en fait un objet de fascination dans La Lettre, où elle est sublimée par le cinéaste portugais.
Je rentre à la maison
France/Portugal, 2001, 1h26, version restaurée.
Avec Michel Piccoli, Antoine Chappey, John Malkovich, Catherine Deneuve, Sylvie Testud.
Oliveira et Piccoli se retrouvent en 2001 pour le magnifique Je rentre à la maison, qui s’apparente à un testament cinématographique. Dans cette œuvre sur le deuil, sans doute la plus accessible de l’exigeante filmographie du cinéaste, l’acteur fait merveille dans le rôle principal. Au début du film, on le voit sur scène donner la réplique à Catherine Deneuve lors d’une représentation du Roi se meurt de Ionesco. Je rentre à la maison propose à la fois le portrait d’un grand comédien de théâtre, qui croit à une déontologie de son art et refuse de galvauder son talent, et la critique radicale de notre civilisation, qui a tout sacrifié au profit et à l’artifice. Piccoli joue un personnage qui lui ressemble, en même temps qu’un double de son cinéaste, comme souvent. Je rentre à la maison fut le plus grand succès public d’Oliveira dans les salles françaises.
Un film parlé
Portugal/France/Italie, 2003, 1h31, version restaurée.
Avec Leonor Silveira, John Malkovich, Catherine Deneuve, Irène Papas.
Un film parlé débute littéralement sur un océan de questions – celles posées avec une gourmandise insatiable par la jeune Maria Joana à sa mère, professeure avide de transmettre son savoir. Dans cet échange ininterrompu, qui fait peu de cas du trivial, se joue la survivance d’un monde au bord de l’extinction.
Manoel de Oliveira, n’oublie pas que je joue !
Un documentaire inédit réalisé par Virginie Apiou.
Manoel de Oliveira laisse une œuvre totalement unique. Spirituel et joueur, le réalisateur fasciné par l’architecture, oscille entre le besoin de livrer des fresques sentimentales et politiques ; et des comédies qui s’amusent avec l’ambiguïté, la méchanceté, l’amour par le prisme de dialogues hallucinants. Le point commun à ces œuvres : un goût pour le sacré. Ce documentaire propose un voyage à travers le « domaine Oliveira ». On y croise l’amour inconditionnel de Francisca, la cruauté ironique le temps d’une Party, la délicatesse de la jeune fille de La Lettre, le jeu de la promenade de Je rentre à la maison, et le discours disruptif sur le monde d’Un film parlé.
Je ne connaissais pas Manoel de Oliveira ; formidable expérience de cinéma qui ne ressemble à rien de déjà vu. Quel plaisir de voir Michel Piccoli dans Je Rentre à La Maison. Le voyage d’Un Film Parlé où se mêle Histoire, mythes fondateurs, Intimité et politique. La fin sidérante et prémonitoire est stupéfiante.
C’est à la fois classique et libre, un cinéma profond qui donne à réfléchir comme peut le faire la littérature.