La Rose de la mer de Jacques de Baroncelli

Ce film français méconnu, issu du catalogue Pathé et peu montré depuis sa lointaine sortie en 1946, fait sa réapparition grâce à un combo DVD/Blu-ray. Il s’agit de La Rose de la mer, récit d’aventures maritimes de bonne facture, réalisé par Jacques de Baroncelli. Le film met à mal les notions d’héroïsme et d’honneur accolées à la marine, en montrant un capitaine et son équipage prêts à saborder leur navire pour toucher la prime d’assurance. Jacques de Baroncelli décrit une bande de malfrats, assassins ou alcooliques commandés par un Fernand Ledoux particulièrement ignoble. C’est la fin de la filmographie de ce cinéaste spécialiste des adaptations littéraires qui avait débuté au temps du cinéma muet d’avant-garde avec L’Herbier et Epstein, avant de poursuivre sa carrière au sein de la production commerciale. La Rose de la mer offre un récit riche en rebondissements et en retournements mélodramatiques. C’est aussi un bon film d’ambiance sombre, chargé de la poésie funèbre de ports enfumés et des rafiots maudits, qui nous entraîne dans le monde trouble des marins qui ont connu la prison, commis des crimes et poursuivent une existence semi-clandestine. Dans ce registre, Noël Roquevert excelle en assassin repenti, ecclésiastique raté qui lit l’avenir dans les cartes et prédit un funeste destin à l’un des membres de l’équipage. Fernand Ledoux est lui aussi remarquable en salaud intégral. Le pessimisme du film fut critiqué au moment de sa sortie, et lui valut un échec à la fois critique et public. On reprocha également à La Rose de la mer une absence de qualités artistiques, ce qui est assez injuste. On y remarque aussi une ambiguïté morale et une forme de défaitisme dans l’air du temps. Le héros devient un meurtrier pour sauver un nouveau-né. Les membres de l’équipage se révèlent moins crapuleux que leur capitaine. L’épilogue est assez imprévisible et vient rompre l’atmosphère de huis-clos. C’est un bon film des années 1940, à redécouvrir.

Restauration 4K à partir du négatif original. Les bonus permettent de revenir sur la carrière de Jean de Baroncelli, et d’analyser le film en soulignant les différences avec le roman d’origine, signé Paul Vialar, également auteur du scénario. Deux vidéos réalisées par Cécile Dubost reviennent sur l’intérêt historique de l’oeuvre, le contexte politique dans lequel elle s’intègre. Grâce à ces deux suppléments, on en sait davantage sur la filmographie de Jacques de Baroncelli mais aussi plus spécifiquement sur La Rose de la mer.