En 1977, le producteur Dino De Laurentiis entendait profiter du succès planétaire des Dents de la mer en proposant un nouveau film catastrophe, avec une autre créature des profondeurs : l’épaulard, mammifère marin réputé pour sa puissance et son intelligence. Au-delà de cette démarche opportuniste, Orca propose un spectacle extraordinaire, unique par sa cruauté et sa mélancolie. Davantage qu’un thriller à suspens, Orca est un mélodrame sur le deuil et la vengeance, où le point de vue habituel est déplacé : c’est ici l’animal, dont la femelle et son bébé ont été tuées par un marin inconscient, qui entreprend une croisée vengeresse contre le responsable de ce massacre inutile.
Moquée à sa sortie, cette production Dino De Laurentiis réalisée par Michael Anderson a depuis été réhabilitée, et compte de nombreux admirateurs, toutes générations confondues. Orca est un film d’aventures nimbé d’un sentiment de tristesse rare, dont le personnage central, Nolan (Richard Harris) est un antihéros habité par des sentiments négatifs : d’abord la cupidité, l’irresponsabilité, puis la culpabilité et les pulsions suicidaires. A l’inverse des Dents de la mer, Orca n’est pas un film d’horreur à suspens, mais un mélodrame maritime, inspiré par Moby Dick, qui emprunte au western le sujet de la vengeance : par un curieux effet d’anthropomorphisme, c’est l’épaulard, la baleine tueuse du titre, qui venge sa famille, comme dans de nombreux westerns, et pas le marin solitaire, hanté par une tragédie similaire – un étrange parallélisme est établi entre l’orque et Nolan le déclassé, qui a choisi l’exil après la mort accidentelle de sa femme et de sa fille en Irlande. On remarquera que les scénaristes du film, Sergio Donati et Luciano Vincenzoni, signèrent pour Sergio Leone des histoires axées sur la vengeance familiale – Et pour quelques dollars de plus, Il était une fois dans l’ouest. Impossible de ne pas y penser devant Orca, d’autant plus que la musique du film a été confiée à Ennio Morricone. Le maestro italien signe l’une de ses plus belles compositions, dans le registre élégiaque et lyrique. Le britannique Michael Anderson, spécialiste des superproductions, n’est pas Leone ou Spielberg, mais le classicisme de sa mise en scène convient à ce spectacle intimiste qui recèle des séquences inoubliables et des passages traumatisants, prompts à exprimer un dégoût viscéral de la violence.
Ce très beau film bénéficie enfin de l’édition collector qu’il mérite, avec un boîtier métal, et en support UHD/BR. Suppléments exclusifs de qualité. Disponible chez Studiocanal.
Bonjour Olivier . C’est une joie de lire votre chronique . Je fais partie des admirateurs du film et j’enrage à chaque fois que ce dernier est betement comparé à » Jaws » . Il n’en est rien et on lorgne plus du coté de » Moby Dick » , c’est une évidence . Le score de Morricone est d’une beauté suffocante . Il manque peut etre la maestria d’un Spielberg effectivement mais en l’état , le film ne manque nullement de séquences marquantes et l’interprétation digne d’éloges . A commencer par Richard Harris dans un jeu évolutif tout en nuances . C’est clairement un drame poignant hanté par la mort et le regret . Et le blu-ray que j’ai acheté rend parfaitement compte de la beauté des images .