Olivier Père

Une vraie jeune fille de Catherine Breillat

Le premier long métrage de Catherine Breillat connut une exploitation avortée en 1975 avant de faire sa réapparition en 1999, après de rocambolesques problèmes de droits et de censure. Adaptation de son propre roman Le Soupirail, réalisé à l’âge de 27 ans, Une vraie jeune fille est le portrait d’une adolescente, qui étouffe d’ennui dans la campagne française des années 1960 et fait l’expérience de l’éveil du désir, sous le signe de la honte. Largement autobiographique, le film échappe à la mode porno soft de l’époque de sa production et marque la naissance d’un talent singulier et provocateur, qui bouscule les règles du cinéma et impose un regard féminin sur la sexualité. Certains premiers films sont des coups de tonnerre dans la production cinématographique d’un pays ou d’une époque. C’est le cas d’Une vraie jeune fille, qui devra attendre de nombreuses années pour éclater comme une bombe à retardement aux yeux des spectateurs. Catherine Breillat aborde son premier film en tant qu’écrivaine, comme Cocteau, Genet ou Duras avant elle. Elle souhaite aborder d’une manière très intime la sexualité d’une adolescente, embarrassée par ses obsessions et ses désirs dans une France rurale particulièrement asphyxiante et médiocre. Breillat tranche par son approche du sujet parce qu’il est filmé à la première personne, et qu’il n’a pas la valeur d’une étude ou d’une observation distante comme dans les films de Bunuel ou Bergman par exemple. Elle réalise un grand film sur la honte et les fantasmes de souillure, représentés à l’écran par de nombreuses et variées sécrétions corporelles, et des visions oniriques en droite lignée de Lautréamont, référence majeure de la cinéaste. Ce premier film génial, baroque et longtemps maudit demeure à notre avis le plus beau de la cinéaste, à l’exception de son dernier en date, L’Été dernier. Les couleurs acidulées, les chansons de Mort Shuman participent à la beauté sauvage du film, avec bien sûr son interprète principale, la fascinante Charlotte Alexandra (découverte dans Contes immoraux).

 

Très belle édition BR chez Le Chat qui fume, qui a entrepris d’éditer l’œuvre complète de la cinéaste, pour la première fois en HD. Les suppléments proposent un entretien inédit d’une grande valeur avec Catherine Breillat, qui revient sur la production et la réalisation de son premier film, à la carrière particulièrement atypique. La cinéaste fait preuve, comme toujours dans ce type d’exercice, d’une intelligence remarquable, capable d’expliquer son propre film avec lucidité et humour. Analyses des critiques Philippe Rouyer et Murielle Joudet, l’un à l’oral, l’autre à l’écrit.

 

Catégories : Actualités

2 commentaires

  1. JICOP dit :

    Film assez culotté et provocateur issu d’une période fertile en scandales cinématographiques . Charlotte Alexandra tient le film par une présence obsédante et faussement ingénue malgré la crudité de certaines scènes . Un film que l’on n’oublie pas et l’occasion de revoir Hiram Keller après son passage dans le  » Satyricon  » de Fellini . Je n’ai pas vu le dernier film de Breillat mais celui-là est une sacrée claque .

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