Je n’ai pas beaucoup d’affinités avec John Sayles cinéaste, faute de ne pas bien connaître sa filmographie. Je n’avais vu que Lone Star au moment de sa sortie en 1996. S’il a aussi écrit plusieurs romans, Sayles est surtout connu pour avoir été scénariste dans sa jeunesse pour Roger Corman au temps de la société New World Pictures (Du rouge pour un truand, Les Mercenaires de l’espace). C’est à la New World Pictures qu’il a débuté sa carrière en écrivant Piranha pour Joe Dante et la collaboration entre les deux hommes s’est poursuivie avec Hurlements en 1981. Au début des années 80, Sayles continue d’écrire des scénarios de films commerciaux (L’Incroyable Alligator, A Armes égales) tandis qu’il amorce en parallèle une carrière de cinéaste. Malheureusement, la plupart de ses films a été très mal ou jamais distribuée en France, où son statut d’auteur demeure très confidentiel, alors qu’il occupe une place singulière et respectée au sein du cinéma indépendant américain. Ainsi Matewan (1987) était totalement inédit en France, malgré son succès d’estime aux Etats-Unis, et ce BR répare enfin une injustice. On peut considérer Matewan comme un classique « secret » du cinéma américain des années 80. Matewan retrace un authentique épisode des luttes syndicales en Virginie occidentale dans les années 1920. Le film est d’obédience marxiste, et historiquement ancré dans un contexte très précis. Il aborde la question de la violence des usines minières qui ont recours à des mercenaires pour briser les grèves et même assassiner les leaders trop gênants, la corruption de certains syndicalistes, le racisme entre ouvriers, les valeurs humanistes, chrétiennes et démocratiques qui peuvent parfois soutenir la cause des mineurs au-delà de l’engagement politique. C’est le cas dans le film d’un jeune évangéliste et du personnage réel du shérif Sid Hatfield, représentant de la loi, symbole de probité et de courage face aux menaces et intimidations des grandes corporations. Matewan constitue une formidable découverte. Le film fut nommé à l’oscar de la meilleure photographie en 1988. Haskell Wexler, un des plus grands chefs-op de sa génération, signe une image sombre et réaliste, riche en clairs-obscurs et proche du noir et blanc. Ce très beau film se signale non seulement par la force son sujet mais aussi par une mise en scène néoclassique et une interprétation exceptionnelle. C’est la première apparition à l’écran de Chris Cooper, dans le rôle central d’un meneur de grève. On y retrouve aussi le grand James Earl Jones en ouvrier noir. Il est difficile devant Matewan de ne pas penser au John Ford des Raisins de la colère, ou au cinéma engagé de Martin Ritt. Le BR du film est accompagné d’un travail éditorial exemplaire, avec des suppléments spécialement conçus pour l’édition française, auxquels ont participé John Sayles et sa productrice Maggie Renzi. On y trouve aussi un livret très bien écrit et des interventions sérieuses de critiques de cinéma sur John Sayles en général et ce film en particulier.
Matewan est disponible chez Intersections Films, qui propose également Maria’s Lovers, Dingo et Mad Dog Morgan dans de belles éditions BR.
Merci Olivier pour ce focus sur John Sayles, cinéaste à (re) découvrir, engagé, à fort ancrage social.
Lone Star reste aussi pour moi un très bon souvenir. Il faudrait qu’il passe l’épreuve de la relecture, mais le film n’est pas facile à trouver.
Je garde également une très bonne impression de » City of hope », tourné en 1991, qui développait une galerie assez dense de personnages ambivalents, évoluant dans une communauté urbaine.
Actuellement, on diluerait tout cela dans une série…
très bonne idée!
La discrétionde la présence de Sayles dans l’exploitation en salles de cinéma française est incompréhensible à part LONE STAR, BROTHER FROM ANOTHER PLANET, LIMBO je crois… (ses films ont toujours pourtant étés distribués par des grandes compagnies, sinon produits bien sûr) , MATEWAN et d’autres sont passé sur des chaînes câblées.
Mais on les trouve tous en dvd (parfois en zone 1 pas forcément verrouillé 1!).
j’ai vu quelques films singuliers; BABY IT’S YOU, comédie intelligente avec Rosanna Arquette, qui possède un fond social décapant, CITY OF HOPE (découvert au festival d’Amiens sinon on l’aurait jamais vu ici), 8 MEN OUT sur le fameux scandale du baseball dans les années 30, LIMBO est un chef d’oeuvre avec comme souvent le superbe David Strathairn, (le sherif de MATEWAN), PASSION FISH est magnifique (Ah… Holly Hunter, ciel!…) même si réfugié dans le milieu aisé qui permet que l’on puisse se pencher sur ses soucis psys! SECRET OF ROAN INISH, vu deux fois avec plaisir, est admirable meme s’il peut apparaître un peu « disneyien », superficiellement! Il a touché à tout.
MEN WITH GUNS (avec Federico Luppi) est aussi supérieur (à propos de F Luppi, il faudrait revoir TIEMPO DE REVANCHA de Afolfo Aristarain où il joue un employé minier en guerre contre son patron et qui ira jusqu’au bout et quand je dis jusqu’au bout (que je ne révèle pas!),
Bémol quand même: JS a parfois tendance à reprendre un schéma répétitif: beaucoup de personnages conversant, avec passages d’un groupe à l’autre ce qui se fait un peu attendu (SUNSHINE STATE, SILVER CITY) et c’est le même schéma que pour CITY OF HOPE dans lequel c’est plus réussi.
Dans BROTHER, les conversations dans le bistrot entre habitués sont irrésistibles.
Mais tous les acteurs sont formidables. Beaucoup viennent bien sûr du mainstream mais Sayles n’a aucun mal à embaucher ces noms parfois très connus!
Il faut voir aussi LIANNA où ce qui est rare dans la description d’une liaison homosexuelle, tout se passe entre deux femmes pour lesquelles le passé, l’expérience vont s’entrechoquer et mener à la rupture après un début de liaison passionné, vision très fine, conclusion pessimiste.
je crois qu’il est à la retraite, il a mon âge!
Tiens: le règlement de comptes final de MATEWAN est jouissif, ça canarde sec ça sent la poudre! seule scène d’action dans un film de Sayles et je voulais. Je voulais aussi citer RETURN OF THE SECAUCUS 7 dans lequel il a voulu pour faire exception montrer que des nus masculins en laissant les femmes garder leurs habits, pour changer quoi!
Il était aussi à la réalisation de trois clips du Boss, issus de l’album BORN IN THE USA.
Un garçon éclectique…
Bien le bonjour,
tout ce qu’il faut savoir sur John Sayles : https://www.canalb.fr/lecinemaestmort/6141
merci pour le lien je serai à l’écoute
« Un garçon éclectique… »
et j’ai revu récemment L INCROYABLE ALLIGATOR et PIRANHA ça vaut son pesant de caramels mous (ça, c’est de la critique!)
L’INCROYABLE ALLIGATOR et les caramels mous, le combo gagnant de l’été de mes 14 ans..😉
MATEWAN que je viens de découvrir ( un grand merci à vous Olivier, passeur passionné) est un film nocturne, un joyau d’obsidienne, une sorte de version tellurique de LA PORTE DU PARADIS. MATEWAN, c’est l’Histoire convoquée à chaque réplique, dans chaque scène. Le film plonge ses racines au coeur des guerres qui ont forgé les hommes. On y retrouve des armes de la guerre de sécession qui se sont transmises, une campagne de Cuba en 1898 , la première guerre mondiale et ses tranchées. Chaque protagoniste s’y est frotté, y a durcit son cuir, forgé son mental. Joe Kenehan, magnifique objecteur de conscience y a endurci ses convictions. MATEWAN, c’est aussi une magnifique parabole sur l’occupation où il faut diner avec l’ennemi, dans des scènes où la haine et la tension suintent, où l’on arrive à peine à desserrer les maxillaires pour dîner, où, même torturé , on livre le nom des morts pour ne pas trahir…. MATEWAN c’est un sublime final westernien, un film baigné d’une des plus belles photos des années 80.
A noter que Criterion a sorti un sublime 4K de LONE STAR récemment, les américains se penchent aussi doucement sur ce metteur en scène un peu oublié
Oui mais John Sayles, malgré une audience confidentielle, a toujours été soutenu par la critique et la cinéphilie américaines.
c’est vrai ce n’est pas non plus du tout un cinéaste maudit dans son pays et renommé par une Europe qui aurait plus de goût!
Il arrive à s’octroyer les acteurs les plus brillants et connus (bon, pas Tom Cruise d’accord), ses films au moins sont chroniqués par les critiques de la presse quotidienne (voir aussi le guide de Maltin) , ils ne sont pas ignorés aux USA en tout cas, ce qui n’est pas le cas de prods indépendantes comme celles qui ne sont pas même distribuées dans les grands circuits et se perdent dans les festivals comme Sundance les campus ou les petits cinémas de quartiers branchés art&essai.
Ses films ne sont jamais de grands succès publics mais ils sont montrés.
En France, comme on l’a dit, beaucoup de ses films n’ont jamais étés distribués. C’est vraiment dommage pour ROAN INISH et MEN WITH GUNS je trouve. Heureusement, on peut voir Sa filmo de SECAUCUS 7 à GO FOR SISTERS en dvd et beaucoup sont passés par les chaînes TV de ciné.
Par contre je ne trouve pas SONORA de 2018, son dernier.
Sayles a quand même eu les honneurs de la sélection officielle à Cannes en 1999 avec LIMBO mais cela ne lui a pas porté chance et le film était passé un peu inaperçu durant le festival et en France. je ne l’ai jamais vu.
Les sorties de BROTHER en 1984 et de LONE STAR en 1996 avaient davantage attiré l’attention il me semble…
la conclusion de LIMBO est incroyable! c’est pas une fin hollywoodienne!
pour BROTHER je ne l’avais vu que grâce à la critique de Libé, sinon JS me restait inconnu
dans ce film il y a deux « Men in Black » issus d’ailleurs dont le comportement et gestuelle seuls signalent l’origine e.t.! pas d’effets spéciaux pour le signaler…
Oui Brother avait connu un petit succès d’estime en France, soutenu par la critique ciné (Libé, Starfix…) C’était ce qu’on appelait un film « branché » new-yorkais, comme Recherche Susan désespérément sorti à quelques mois d’intervalle.
Un petit ajout au sujet de John Sayles qui fut scénariste de THE ALAMO, version 2004.
Ces lignes sont issues de la passionnante encyclopédie cinéma et histoire d’Hervé Dumont. « Disney annonce ce film mis en chantier par Ron Howard sur un scénario initial de l’irréductible John Sayles. Après l’invasion de l’Afghanistan, le budget du film est réduit, la direction est confiée au Texan Hancock. Sorti en plein marasme irakien, le film fait un bide monumental en raison de son révisionnisme historique bienvenu qui met en avant les circonstances équivoques du conflit et l’existence comme les motivations pas toujours glorieuses ni honnêtes de ses protagonistes. »
Il n’y a plus trace de Sayles dans les auteurs finalement crédités au scénario.