Olivier Père

Blue Velvet de David Lynch et La Rue Rouge de Fritz Lang

Ces troublantes incursions dans le film noir par deux des plus grands cinéastes de leur temps sont des plongées dans les méandres de l’âme humaine.

 

Blue Velvet marque en 1986 le retour en grâce de David Lynch après l’échec monumental de sa superproduction de science-fiction Dune. Lynch plante le décor de Blue Velvet dans une petite ville américaine idyllique qui cache pourtant de terrifiants secrets. C’est la face sombre de l’Americana, telle que Hitchcock l’avait exploré avant lui dans L’Ombre d’un doute. Lynch modèle les archétypes hitchcockiens dans une fiction expérimentale qui joue avec nos frayeurs et nos angoisses enfouies, ainsi que la proximité entre le quotidien le plus banal et l’horreur la plus perverse. La recette donnera naissance quelques années plus tard à la géniale série Twin Peaks. En mettant en scène un jeune étudiant voyeur (Kyle MacLachlan) qui découvre une vaste conspiration criminelle autour d’une chanteuse de boîte de nuit (magnifique et émouvante Isabelle Rossellini), Lynch signe un chef-d’œuvre sur l’innocence perdue et le mystère du désir féminin.

 

Diffusion lundi 22 janvier à 22h55 sur ARTE. Également disponible gratuitement en télévision de rattrapage sur ARTE.tv.

 

La Rue rouge (Scarlett Street), réalisé en 1945 par Fritz Lang, est le remake américain de La Chienne de Jean Renoir, ou plutôt une nouvelle adaptation du roman de Georges de La Fouchardière. Le cinéaste allemand, exilé à Hollywood, s’empare de cette histoire pour un faire un film très personnel. Il y poursuit son exploration des thèmes du crime, de la culpabilité et du destin, au cœur de son œuvre. La Rue rouge présente de nombreuses similitudes avec le précédent film de Lang, La Femme au portrait. Outre le même trio d’acteurs, Edward G. Robinson, Joan Bennett et Dan Duryea, on y retrouve la description des mécanismes d’emprise et de manipulation qui vont entraîner la déchéance d’un honnête homme. Ce film noir d’un pessimisme féroce sur les passions humaines est aussi l’un des titres les plus stylisés de Lang, où éclate à chaque séquence le génie de sa mise en scène.

 

Diffusion lundi 29 janvier à 23h25 sur ARTE. Également disponible gratuitement en télévision de rattrapage sur ARTE.tv.

 

 

 

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9 commentaires

  1. Ballantrae dit :

    Si Blue velvet ne fut pas ma première rencontre avec Lynch ( j’avais vu Dune puis Éléphant man en reprise) Blue velvet a marqué au fer rouge mes 16 ans comme un geste poétique insensé qui croisait ma découverte de Baudelaire et Lautreamont tout comme Mauvais sang avait suscité mon envie de lire Rimbaud.
    Blue velvet était un retour aux sources après l’échec de Dune. Un film que Lynch avait maîtrisé de bout en bout et qui , comme vous le dites très bien, a initié cette veine de film noir qui donnera Twin peaks ( 3 saisons + génial Fire walk With me) , Wild at heart, Lost highway, Mullholand drive et même Inland empire.
    Blue velvet n’a rien perdu de sa force expressive qui nous saisit dès le générique avec le rideau bleu agité par le vent sur fond de la première musique de Badalamenti que nous entendimes dans un film du maître.
    Ensuite ce déroulé de plans trop lisses pour être honnêtes avant la plongée dans la vie organique à ras de sol.
    Début génial et stupéfiant qui nous plonge comme Jeffrey au cœur de la nuit…
    Un film immense!

  2. Comet dit :

    Exactement. Blue Velvet a été comme un moment magique, intemporel, une pure vision hallucinée qui a marqué a jamais ma cinéphile de jeune adulte. Un truc incompréhensible : pourquoi pas d’édition 4 k de ce chef d’œuvre (hors Criterion ?

    • Olivier Père dit :

      j’espère que le 4K arrivera bientôt en France pour les amateurs de ce format. certains éditeurs doivent y travailler, au regard de la beauté et de l’importance de l’oeuvre. c’est toujours plus compliqué pour des films qui sont toujours sous droits de majors américaines (Blue Velvet doit être encore dans le catalogue MGM, qui a été racheté par Amazon si je ne dis pas de bêtises.)

  3. Ballantrae dit :

    Pour avoir vécu la sortie de Blue velvet en direct, je peux dire que le film ne faisait pas l’unanimité actuelle et Lynch ne bénéficiait pas de l’aura dont il dispose désormais… et qu’on pourrait dater de Straight story puis Mullholand drive ( même si ce fut bref compte du clivant Inland empire).
    Telerama se bouchait le nez par exemple.
    Plus tard le génial Twin peaks fire walk with me sera littéralement détruit par les Cahiers.
    Je ne sais si Lynch nous offrira un autre film sur grand ou petit écran ( j’aimerais bien … mais il est tellement évasif qu’on ne sait quoi penser des projets dn cours) mais la saison 3 de Twin Peaks est l’un des plus grands chocs de ces 20 dernières années.

    • Olivier Père dit :

      Aujourd’hui les Cahiers du cinéma sortent un hors-série David Lynch, génial inventeur de formes du cinéma post-moderne, le plus grand cinéaste vivant… Mieux vaut tard que jamais.
      Moi aussi j’ai vécu la sortie en direct de Blue Velvet, découvert le premier jour de sa sortie et que j’avais adoré. Il a été admiré par les jeunes cinéphiles (pas Télérama ni Le Figaro évidemment). le film avait fait scandale au festival de Venise. je crois qu’un journaliste américain avait écrit qu’il s’adressait à « ceux qui aiment renifler des chaussettes sales », mais la critique sérieuse l’avait plutôt défendu… Le cinéma de Lynch a très vite été apprécié par le public français (dès Elephant Man). La France est le seul pays au monde où Dune n’a pas fait un bide il me semble. Et Blue Velvet a été un succès en France, où il avait remporté le grand prix du Festival d’Avoriaz.

  4. Ballantrae dit :

    Pour les Cahiers , Lynch a été une histoire d’amour sur courant alternatif: Eraserhead et Éléphant man ont été salués. Michel Chion , grand découvreur de Lynch en France, avait écrit de beaux papiers sur Dune puis Blue velvet.
    Par contre gros desamour pour Wild at heart puis Fire walk with me.
    Et retour en grâce à partir de Lost highway.
    Le hors série très bien conçu réunit textes originaux de la revue et nouvelles contributions… notamment pour escamoter le papier assassin sur Fire walk with me.
    A noter deux entretiens très intéressants avec C Denis et B Bonello. Notons que son dernier film absolument remarquable La bête est éminemment lynchien par moments.

    • Olivier Père dit :

      Vous avez raison n’accablons pas les Cahiers qui ont beaucoup écrit sur Lynch et souvent en bien. Moi-même j’avais été déçu par Wild at Heart par rapport à Blue Velvet, et je ne suis pas un grand fan de Une histoire vraie. Mais Fire Walk with Me et Mulholland Drive sont des chefs-d’oeuvre.

  5. Ballantrae dit :

    Je confirme que Dune avait eu un beau succès : environ 2 500000 spectateurs.
    Blue velvet plus étrange avait forcément attiré moins de monde mais à sa mesure ce fut un beau succès.
    Il avait obtenu le grand prix à Avoriaz malgré son côté inclassable ( pas nettement un polar, pas un film fantastique… un climat d’inquiétant étrangeté absolue).
    Le point intéressant est que sa sortie coïncidait avec celle d’un film-clé autre grand moderne flirtant avec les genres : D Cronenberg pour La mouche.
    Lynch/ Cronenberg étant deux de mes « héros  » durant ces années 80 si étonnantes, capables du meilleur comme du pire.

  6. Ballantrae dit :

    Wild at heart je ne peux pas dire que je l’adore. Mais il y a qqs très belles scènes comme l’accident nocturne.
    Une histoire vraie, je l’aime beaucoup avec sa grâce d’américana un peu barrée.

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