L’Emprise (Of Human Bondage, 1934) de John Cromwell est un mélodrame tragique qui décrit la relation sadomasochiste entre un étudiant handicapé par un pied-bot et une serveuse qui va profiter de son amour pour l’humilier et lui extorquer de l’argent pendant plusieurs années. Cette première adaptation du roman de Somerset Maugham Servitude humaine marque une date dans l’histoire du cinéma américain. Il s’agit en effet du film qui met fin à une période de permissivité avant que le fameux code Hays surveille et sanctionne les écarts de moralité contenus dans les productions hollywoodiennes. Même si son scénario a édulcoré l’oeuvre originale, le film de John Cromwell propose une plongée sordide et cruelle dans l’enfer d’une passion avilissante. La jeune Bette Davis, qui s’était battue pour pouvoir interpréter la maléfique Mildred, livre une prestation exceptionnelle, qui anticipe les rôles de garces magnifiques qui vont jalonner sa brillante carrière.
Cinéaste hongrois exilé à Hollywood, André de Toth s’est illustré avec bonheur dans le film d’aventures, le polar ou le western. Pitfall, réalisé en 1948, est l’une de ses plus grandes réussites et mérite de figurer parmi les chefs-d’œuvre du film noir. De Toth aborde avec honnêteté et sérieux le thème de l’infidélité conjugale et de ses conséquences dramatiques. Employé modèle dans une compagnie d’assurance, un homme s’ennuie ferme malgré le confort de sa vie de famille. Sa rencontre avec la maîtresse d’un escroc va bouleverser son existence, et l’entraîner dans une spirale de mensonge et de violence. De Toth méprise les conventions du genre et s’attache à rendre crédible ses personnages, pris au piège de situations inextricables mais toujours réalistes. Dans le rôle d’un détective privé pourri jusqu’à la moelle, Raymond Burr livre une performance mémorable, digne des pires méchants du cinéma américain.
Les deux films sont disponibles gratuitement sur ARTE.tv du 1er janvier au 1er avril 2024.
PITFALL est très important, pour moi, c’est plutôt un film social sur la classe moyenne américaine d’après guerre. C’est même étonnant qu’on ait pu produire un film pareil, dépourvu de grands noms, de scènes spectaculaires, d’action. Powell apparaît comme un perdant sauf par son travail, mais en tant qu’homme et mari et père. Il perd tout. Les rôles et de l’épouse et de la maîtresse sont sans schématisme du type maman et putain, l’épouse révèle une grande intelligence, une maturité supérieure. A la fin elle récupère un mari piteux à son plus bas. Tavernier avait raison en en parlant dans son blog. Dans le cinéma US, le regard sur les femmes est unique, et fait penser à un film européen des années 60-65, mais on est en 1948!
merci Arte
C’est avec plaisir que je vais revoir Pitfall du grand André de Toth . Ce cinéaste fut l’une de mes grandes découvertes au début des années 90 notamment grâce à l’Institut Lumière où il est venu à notre rencontre avec la diffusion de films injustement méconnus.
Il faut voir ou revoir nombre de ses films notamment None shall escape, Chasse au gang, Day of the outlaw ou Play dirty.
Et lire son autobiographie Fragments qui montre quel homme pétillant et audacieux il était. Ainsi que les entretiens de Ph Garnier Bon pied bon oeil.Tout cela édité par Actes Sud/Institut lumière … allusion au fait que De Toth était l’un des 4 borgnes d’Hollywood avec Lang, Walsh et Ford!