Considéré comme un échec au moment de sa sortie, Chevauchée avec le diable (Ride with the Devil, 1999) ne bénéficia que d’une distribution confidentielle en France après son bide aux Etats-Unis. Défendu à l’époque par quelques rares cinéphiles, parmi lesquels Bertrand Tavernier, il mérite une seconde chance. Ang Lee, connu pour sa versatilité et son aptitude à changer de style, s’attaque à un événement majeur de l’histoire des Etats-Unis, la guerre de Sécession. Avec son scénariste James Shamus, il entend restituer la complexité du conflit en se concentrant sur un groupe de jeunes Sudistes pris dans la tourmente des opérations de guérillas. Chevauchée avec le diable traite avec sérieux son sujet (c’est une fiction mais très documentée) et aborde la guerre civile du côté des perdants, ces commandos isolés qu’on appelait les Bushwhackers. Ang Lee évacue le romantisme du Sud profond, et pose le problème du racisme et de la violence dans les deux camps ennemis. Ang Lee réussit une fresque intimiste et anti-spectaculaire qui a pu dérouter le public amateur de films d’aventures ou de western. Malgré sa diversité, qui pourrait passer pour de l’éparpillement, l’œuvre d’Ang Lee se caractérise par un goût pour l’intériorité, même dans le cadre de blockbusters bourrés d’effets spéciaux ou de reconstitutions historiques comme c’est le cas ici. Certains critiques ont estimé que seul un cinéaste étranger (Ang Lee est Taïwanais) était en mesure de poser un regard dépassionné sur une tragédie qui déchira les Etats-Unis et dont les séquelles furent durables. Il serait néanmoins faux de prétendre que Chevauchée avec le diable est le premier et unique film honnête consacré à la guerre de Sécession. John Ford a par exemple réalisé Les Cavaliers en 1959.
Chevauchée avec le diable est proposé dans un combo DVD/BR par l’éditeur Élysée, accompagné d’une excellente intervention de Nathalie Bittinger, spécialiste du cinéma du réalisateur taïwanais installé à Hollywood, sur lequel elle a écrit un essai.
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