Dans la première partie de l’œuvre de Pedro Almodóvar, Matador (1986) occupe une place à part. C’est une production plus coûteuse que ses précédents essais underground, un pas important vers davantage de professionnalisme. Le cinéaste madrilène délaisse le ton potache de ses comédies de jeunesse pour un mélodrame sombre d’or et de sang, à la lisière du thriller érotique et fantastique. Pedro Almodóvar l’avait défini comme son film le plus abstrait. L’association entre désir et violence apparait dès le générique, où Diego (Nacho Martinez), un ancien torero blessé à la jambe, se masturbe devant des films d’horreur de Mario Bava (Six Femmes pour l’assassin) et Jess Franco (Bloody Moon). Il rencontre bientôt Maria (Asumpta Serna), une avocate qui défend des prisonniers politiques, femme phallique qui se révèle être une véritable mante religieuse, qui assassine ses amants pendant l’orgasme. Pendant ce temps, Angel (Antonio Banderas), qui prend des cours de tauromachie mais ne supporte pas la vue du sang, violeur impuissant qui agresse en pleine rue sa voisine mannequin. Matador est un hommage au giallo doublé d’un poème d’amour fou qui mixte le rituel de la corrida, le questionnement de la virilité et le jeu avec la mort. En s’emparant des fétiches de la tauromachie, du traditionalisme catholique et des symboles sexuels, Almodóvar règle ses comptes avec l’Espagne franquiste et le puritanisme bourgeois. Antonio Banderas, qui était déjà dans le Labyrinthe des passions en 1982, confirme ici son statut d’acteur fétiche d’Almodóvar, qui filme avec délectation le mélange d’innocence et de perversité de son personnage.
Diffusion sur ARTE lundi 19 juin à 23h, en version restaurée. Puis disponible gratuitement pendant 60 jours sur ARTE.tv.
Édité en Blu-ray par Tamasa.
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