Un vrai crime d’amour (Delitto d’amore, 1975) de Luigi Comencini est un titre important du cinéma italien des années 70, et l’une des grandes réussites de son auteur. C’est un film qui dépeint avec beaucoup de justesse la classe ouvrière, et la difficulté de s’aimer quand on travaille dans la même usine mais qu’on n’appartient pas au même bord idéologique et culturel, et qu’on est contraint à des horaires épuisants, de longs trajets pour se rendre sur son lien de travail et des logements vétustes ou exiguës. Stefania Sandrelli est bouleversante dans le rôle de Carmela, une immigrée sicilienne catholique, dans la banlieue industrielle de Milan, qui tombe amoureuse d’un ouvrier communiste et athée, interprété par le séduisant Giuliano Gemma. Comencini adopte le ton d’une tragédie sociale, dans un film qui aborde le sujet central dans l’histoire italienne de l’immigration interne. Depuis la fin du XIXème siècle les populations pauvres et rurale du sud du pays se déplacent vers le nord industrialisé. Ces mouvements migratoires s’accentuent après-guerre, dans les années 50 et 60, et provoquent le déracinement d’une partie du prolétariat, employée dans les usines turinoises ou milanaise mais issue de Sicile, Naples ou la région des Pouilles. Luchino Visconti consacra à ce phénomène social son chef-d’œuvre Rocco et ses frères en 1960. Comencini lui succède avec beaucoup de talent. Le personnage de Stefania Sandrelli, empoisonnée par des gaz toxiques sur son lieu de travail, est victime de sa condition et des contradictions culturelles qui divisent l’Italie. Le film n’est pas seulement un témoignage sur l’exploitation des ouvriers. Il dénonce aussi le désastre écologique provoqué par l’industrialisation intensive.
Alors que Stefania Sandrelli, géniale, est favorite pour le prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes, Monica Vitti, membre du jury, révèle que l’actrice, selon une coutume habituelle en Italie mais méconnue du grand public, a été doublée par une collègue à l’accent méridional, Carla Todero. La récompense lui échappe.
Un vrai crime d’amour est disponible gratuitement sur ARTE.tv jusqu’au 31 octobre 2023, dans le cadre d’une collection de films italiens qui comprend aussi La Fille à la valise et Eté violent de Valerio Zurlini, Quelle joie de vivre de René Clément, Adua et ses compagnes d’Antonio Pietrangeli.
Egalement édité en DVD par Tamasa.
J’ai un très bon souvenir de ce film à sa sortie, bon choix de Arte, les deux films de Zurlini sont très importants aussi (et sûrement le Pietrangeli aussi!)
et je vois que Olivier Père met les bouchées doubles sur son blog! merci
Ce film est encore aujourd’hui bouleversant et criant de vérités sociales ….Je ne le connaissais pas et j’ai été transportée par le sujet , les deux protagonistes , la beauté « noire et sévère » des lieux industriels, de cette immigration interne forcée . Vous aves raison de dire que ce film peut rivaliser avec Rocco et ses frères . Fabuleux cinéma italien !!