Olivier Père

Starship Troopers de Paul Verhoeven

L’échec cuisant de Showgirls en 1995 contraint Paul Verhoeven à se replier vers la catégorie de films qui lui avait apporté le succès à Hollywood : la science-fiction.

Starship Troopers (1997) constitue dans ce domaine une incontestable réussite, et figure parmi les sommets de l’œuvre de Verhoeven. Le cinéaste retrouve à l’occasion de ce nouveau projet le producteur et l’un des scénaristes de RoboCop, Jon Davison et Edward Neumeier, sans oublier le prodige des effets spéciaux Phil Tippett et le compositeur Basil Poledouris. Le film est l’adaptation d’un roman de Robert A. Heinlein, Etoiles, garde à vous !, qui relate un conflit de grande envergure dans l’espace entre les humains et des créatures extraterrestres particulièrement belliqueuses, qui menacent de détruire la terre. Comme à son habitude, Verhoeven puise son inspiration dans le passé pour évoquer un monde futuriste. Il étudie les films de propagande américains et nazis, en particulier ceux de Leni Riefenstahl dont il reproduit l’esthétisme monumental et grandiloquent. Les intentions de Verhoeven sont de réaliser un véritable film de guerre, pas un space opera. Le récit s’attache à plusieurs jeunes gens fraîchement diplômés qui s’engagent dans l’armée, comme dans Soldier of Orange, décidés à risquer leurs vies dans l’infanterie ou les forces aérospatiales pour sauver la planète. Le livre de Heinlein, écrit en 1959 en pleine guerre froide, était un plaidoyer militariste et anticommuniste qui faisait l’apologie sans réserve de la puissance impérialiste américaine, avec des relents de fascisme. Verhoeven s’amuse avec les codes du cinéma guerrier et patriotique, mais aussi de la comédie pour adolescents et amplifie la charge dénonciatrice déjà présente dans RoboCop. Une ironie mordante et un kitsch rétro futuriste digne d’un comics des années 50 ne parviennent pas à atténuer la violence de la représentation des horreurs de la guerre, et l’antimilitarisme du film, qui analyse toutes les caractéristiques d’une société totalitaire. Les détracteurs de Verhoeven avaient coutume de dénoncer l’ambiguïté politique ou le mauvais goût de ses films. Starship Troopers ne déroge pas à la règle et certains critiques particulièrement myopes ne perçoivent pas la dimension satirique du film, accusé de colporter une idéologie fascisante. Si le film enregistre des résultats médiocres au box-office américain au moment de sa sortie, il devient rapidement une référence de la science-fiction moderne. Starship Troopers marque également une date dans l’histoire des effets spéciaux, avec la combinaison virtuose de techniques hybrides, capable de donner vie aux terrifiantes arachnides extraterrestres.

 

Starship Troopers est diffusé dimanche 12 février à 20h55 sur ARTE.

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8 commentaires

  1. Ballantrae dit :

    Un formidable pied de nez à une certaine forme de cinéma de recrutement propre aux USA (cf Top gun et sa suite dont je ne m’explique pas l’accueil critique assez bienveillant).
    C’est un délice de voir tous ces Ken et Barbie se faire abîmer par les mandibules impitoyables de nos amis insectiformes.
    Verhoeven s’amuse et conçoit une vraie comédie mais avec l’énergie d’un pur film de guerre.
    Ces contrastes sont passionnants et font de Starship troopers l’un de ses meilleurs films américains avec Robocop.
    La SF a tendance à réussir à Verhoeven même si Total recall est un peu limite esthétiquement avec son goût pour la boursouflure.
    Je défends même le mésestimé Hollow man qui parvient à se faire troublant et même effrayant .
    Black book m’apparaît comme le dernier grand Verhoeven et comme je l’aime beaucoup je  » passerai « sur sa période française

  2. COMET dit :

    Comme toujours, merci pour ce film et pour votre analyse. C’est vrai que les critiques américaines de l’époque qui parlaient d’un film fasciste n’avaient vraiment rien compris. Et quand on voit que l’extraordinaire Showgirls avait reçu le prix du plus mauvais film de l’année, ça nous interpelle sur les compétences de certains  »specialistes » (en tant que simple cinéphile j’avais trouvé Showgirls nul à sa sortie mais quelle erreur !).

  3. damien dit :

    On ne peut pas nier que Verhoeven est une grand réalisateur. Ses films sont toujours captivants et bien construits. Mais est-ce un grand auteur ? Il emploie souvent la même recette, violence et sexe, pour attirer le public. Ensuite, à chaque fois, il montre un peu l’envers du décor de l’univers dans lequel évoluent ses personnages. Une fois à l’intérieur, la réalité est bien plus « crade » que ce que la publicité laisser croire. Mais c’est quand même un peu léger comme fond. J’ai l’impression que Verhoeven, quand il reçoit un script, il pense rapidement à le saucissonner pour pouvoir y glisser une scène de sexe, une sexe de violence toutes des 5 mn pour que son public (un peu voyeur) reste accroché jusqu’à la fin. Dire, par exemple, que Showgirls est un film qui dénonce, l’envers du show business, l’exploitation des femmes et la domination masculine tout en exhibant pendant 90mn des seins et des fesses, est un peu « facile », limite malhonnête.
    C’est comme quand la critique nie le côté recrutement du film TOP GUN et sa suite. C’est bien réalisé mais sur le fond c’est assez pauvre. C’est du divertissement de haut niveau. Et je pense que Verhoeven ne fait que ça depuis qu’il est venu aux USA sur les conseils de Spielberg, grand divertisseur lui aussi.
    Arte aurait plus à gagner à diffuser la période hollandaise de Verhoeven, période difficile à voir. Mais, là aussi, niveau audience, c’est bien moins accrocheur que STARSHIP TROOPERS. Chacun cherche à faire de l’audience et de la moula…

  4. Ballantrae dit :

    Dommage pour la periode hollandaise.
    Avons nous une chance de voir édité un beau coffret Verhoeven hollandais où figureraient notamment Soldier of orange et Le 4eme homme?
    Le seul que je possède en dvd de cette 1ere période est Spetters. Pour le reste c’était en k7 … virées depuis longtemps😢

  5. Olivier Père dit :

    Il existe un coffret DVD édité par Metropolitan qui réunit tous les films hollandais de Verhoeven (sauf Spetters) mais je crois qu’il est épuisé depuis longtemps. J’espère moi aussi qu’on pourra revoir ces films en blu-ray en France mais les problèmes de droits subsistent également pour la vidéo et la salle.

  6. Monsieur Hulot dit :

    Bonjour M. Père,
    J’ étais assez énervé car la diffusion était annoncée en VF uniquement, heureusement elle vient de passer à multilingue.
    Nous n’aurons pas eu cette chance avec les sentiers de la perdition diffusé en VF bien qu’en soirée avec en prime le beau logo d’ARTE, un des plus intrusif du P.A.F.
    Je ne peux que constater que la programmation cinéma sur le canal hertzien de la TNT se banalise de plus en plus ( avec heureusement encore quelques exceptions – pour combien de temps ?) alors que les films présentant le plus d’originalité sont réservés à arte.tv.
    Quand on voit le score d’audience du film de Sam Mendes en VF lundi, on se doute que cela va durer !

    • Olivier Père dit :

      Bonjour
      ça n’a rien à voir avec les audiences obtenues par les films mais au fait que nos collègues allemands n’ont pas négocié avec le studio la VOSTF pour certains films américains, contrairement à Arte France qui le fait systématiquement pour tous les films achetés pour l’antenne ou le web (par exemple Starship Troopers). Cela me désole autant que vous.

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