Olivier Père

Mais… qu’avez-vous fait à Solange ? de Massimo Dallamano

Massimo Dallamano (1917-1976) est à l’instar de Mario Bava et de Joe D’Amato un directeur de la photographie passé à la mise en scène. Il se sont tous les trois illustrés dans le versant décadent du cinéma populaire italien (érotisme, thriller, fantastique, horreur) avec des fortunes diverses. La formation d’opérateur de Dallamano – dont le titre de gloire demeure l’image des deux premiers westerns de Sergio Leone – l’a sans doute conduit à soigner l’esthétisme morbide de ses meilleurs films. Sa contribution en tant que réalisateur se distingue du tout-venant de la production commerciale transalpine, malgré une inspiration et une implication inégale. Le médiocre côtoie le très bon dans une filmographie brève interrompue par le décès prématuré de Dallamano dans un accident de voiture. Il occupe une place à part dans la famille des petits maîtres italiens du cinéma bis. Il semblerait que ce soit la pulsion (refoulée) et le désir (impossible) qui anime Dallamano cinéaste, dont les films les plus soignés fouillent dans les recoins les plus inavouables de la sexualité, avec une prédilection pour le voyeurisme.

 

Mais… qu’avez-vous fait à Solange ? (Cosa avete fatto a Solange ?, 1972) appartient à cette catégorie. Il s’agit d’un objet réellement vénéneux qui s’inscrit dans la tradition du « giallo », ces polars érotico sadiques inventés par Mario Bava puis remis à la mode par Dario Argento et de nombreux suiveurs au début des années 70. Dallamano, visiblement troublé par son histoire (la sexualité frénétique de très jeunes collégiennes, puis leurs meurtres dans le cadre d’un institut londonien privé), donne libre cours à des phantasmes inspirés par les idées de pureté et de souillure, et scande son récit de visions éprouvantes (victimes poignardées dans le sexe, souvenirs d’un avortement clandestin au cœur de l’énigme). L’enquête policière est suffisamment bien menée pour ménager du suspens, avec son lot de faux coupables, jusqu’à la séquence finale. Fabio Testi est convainquant en professeur de gymnastique italien qui trompe son épouse avec l’une de ses élèves puis cherche à démasquer l’assassin en parallèle de Scotland Yard. Ennio Morricone a composé pour le film l’une de ses plus belles bandes originales dans le domaine du « giallo », qu’il a particulièrement servi et aidé à acquérir une certaine sophistication, avec des thèmes mélodiques et des partitions expérimentales.

 

A noter que la photographie du film est signée Aristide Massaccesi, le véritable patronyme de Joe D’Amato, qui fait même une apparition dans le rôle d’un policier.

 

Mais… qu’avez-vous fait à Solange a été édité en blu-ray par Le Chat qui fume.

 

Catégories : Actualités

4 commentaires

  1. COMET dit :

    Film revu une quarantaine d’années après sa sortie en salle et il a très bien vieilli.

  2. Ballantrae dit :

    Je ne connais pas ce giallo qui semble assez singulier. Tout un programme…
    D’Amato était il un bon chef op?
    Le giallo tient souvent d’abord pour sa valeur plastique d’où ma question.
    J’espère que le chef d’oeuvre de Pupi Avati La maison aux fenêtres qui rient sera un jour édité en France. Vu il y a une quinzaine d’années ce film m’avait sidéré par sa beauté, son ambiance mortifère, son inventivité.

  3. Olivier Père dit :

    Oui c’est l’un des meilleurs « gialli », très recommandable. D’Amato a surtout signé la photo de ses propres films. Mais il a aussi oeuvré sur ce film de Dallamano (un autre ex chef-op…) dont l’image est très soignée. La plus grande réussite de D’Amato comme directeur de la photographie est à mon avis L’Antéchrist de Alberto De Martino. Pour l’anecdote Joe D’Amato a débuté sa carrière comme photographe de plateau sur Le Carrosse d’or de Renoir, en 1952.

  4. derouet dit :

    Excellent exemple d’un giallo italien du début des années 70, solidement développé et bien construit. Bien tourné également, sans rechercher une virtuosité excessive (pas de zoom excessif, par exemple), et axé avant tout sur l’histoire. Le film est vaguement inspiré d’un roman d’Edgar Wallace, « The Clue of the New Pin » (alias « The Enigma of the Pin »), de 1923, et se déroule à Londres. La photographie couleur et la réalisation par Joe D’Amato et Massimo Dallamano sont de premier ordre. Le jeu des acteurs est bon dans l’ensemble. Respectable réalisateur et auteur d’œuvres très intrigantes, Massimo Dallamano est souvent oublié à tort. Mais… qu’avez-vous fait à Solange ?  représente l’un de ses sommets professionnels. Etait dans l’ancienne collection Giallo de chez Neo Publishing.
    Sur le Giallo le numéro de l’écran fantastique vintage sur le Giallo de David Didelot est une mine de renseignements sur le genre.
    Livre : Cauchemars italiens volume 2.

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