Olivier Père

La Fille aux allumettes de Aki Kaurismäki

La beauté du cinéma d’Aki Kaurismäki se déploie jusqu’à la fin du mois d’avril sur ARTE.tv avec cinq longs métrages du cinéaste finlandais accessibles gratuitement. Parmi ces titres, La Fille aux allumettes (Tulitikkutehtaan tyttö, 1990) qui compte certainement parmi les films les plus purs et aboutis de son auteur. Pourtant, ce dernier, généralement bien plus sévère que la critique au sujet de son œuvre, n’hésite pas à le qualifier de « navet ». Il avoue avoir pris la décision de faire un film « qui ferait passer Robert Bresson pour un réalisateur de films d’action épiques ». Le titre fait référence au fameux conte d’Andersen, pour rapidement s’en distinguer. L’action se situe dans les milieux prolétaires d’Helsinski, terrain de prédilection de Kaurismäki. L’héroïne du film ne vend pas des allumettes, mais les fabrique, dans une usine où elle travaille à la chaîne sur de grosses machines. Le générique dévoile le processus de transformation de feuilles de bois en boîtes d’allumettes, dans un ballet mécanique implacable et précis, qui annonce la détermination meurtrière du personnage principal. Elle s’appelle Iris (merveilleuse Kati Outinen, l’actrice fétiche d’AK), mène une existence monotone et rêve du prince charmant en dévorant des romans à l’eau de rose dans les transports en commun. Son imaginaire sentimental n’est pas le seul à être exploité. Elle est maltraitée par ses parents qui vivent à ses crochets et la considèrent comme une domestique, et abusée par un homme plus riche qui profite de sa naïveté avant de l’abandonner cruellement. Sa vengeance atteindra la dimension d’une révolte sociale aussi muette qu’absolue. La quasi-absence de dialogues, limités au strict minimum et intervenant avec parcimonie au cours du récit, n’apparaît pas comme un poncif auteuriste ou une volonté de stylisation mais révèle au contraire la puissance évocatrice et la rigueur de la mise en scène de Kaurismäki, admiratif du cinéma muet, qui vise à l’essentiel. La présence physique et l’intensité des visages de ses acteurs n’ont rien à envier à celles des vedettes des années 10 et 20.

 

 

La Fille aux allumettes, Ariel, Au loin s’en vont les nuages, La Vie de bohème et L’Homme sans passé sont disponibles jusqu’au 31 avril 2021.

Catégories : Sur ARTE

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