Olivier Père

L’Ivresse du pouvoir de Claude Chabrol

Dans le cadre de son cycle consacré à Isabelle Huppert, ARTE diffuse L’Ivresse du pouvoir (2005) de Claude Chabrol dimanche 20 septembre à 20h55. Le film sera suivi d’un documentaire inédit, Isabelle Huppert, message personnel, réalisé par William Karel, qui revient sur la trajectoire et la carrière aussi brillante que bien remplie de l’actrice française. Septième et dernier film de l’association fructueuse entre Claude Chabrol et Isabelle Huppert, qui débuta en 1978 avec Violette Nozière, L’Ivresse du pouvoir met en scène une femme puissante au patronyme programmatique, Jeanne Charmant-Killman, surnommée par ses ennemis « le piranha », juge déterminée à faire tomber de nombreux politiciens et industriels trempés jusqu’au cou dans une histoire d’abus de bien sociaux et de rétro commissions au plus haut niveau de l’état. Chabrol s’inspire ouvertement de l’affaire Elf et de ses principaux protagonistes, Eva Joly, Loïc Le Floch-Prigent ou Charles Pasqua. Il s’était régalé de ce feuilleton politico-judiciaire largement relayé par la télévision et les médias. L’idée de transformer ce scandale politique en long métrage de fiction débouche sur une fable qui prend ses distances avec la réalité et le documentaire pour proposer une étude des faiblesses et vanités humaines. Le cinéaste exerce ses talents de satiriste et n’hésite pas à retrouver la verve bouffonne de certains de ses films plus anciens. Il nous offre une réjouissante galerie de fripouilles engluées dans le mensonge et la corruption, rouages serviles au service d’un système que la vaillante juge aura du mal à ébranler. L’Ivresse du pouvoir n’a pourtant rien d’un film-dossier dénonciateur ni d’une simple comédie noire ridiculisant les puissants qui nous gouvernent. Comme souvent chez Chabrol, le goût du grotesque dissimule un versant plus secret à l’intérieur du film, qui concerne la vie privée de Jeanne, sa relation avec son mari dépressif et son neveu, individu frivole et oisif avec lequel elle partage une complicité inattendue. C’est dans ces moments d’intimité ambiguë que le cinéaste se révèle au meilleur de sa forme. Il signe un portrait de femme plus mystérieux qu’il n’y paraît, avec la complicité de sa géniale interprète.

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