ARTE diffuse Tempête à Washington (Advice and Consent, 1962) lundi 16 mars à 22h40.
Tempête à Washington peut être considéré comme le dernier chef-d’œuvre absolu de Otto Preminger, celui ou la perfection de la forme et l’intelligence du discours se marient idéalement. Tempête à Washington est le second film choral consécutif de Preminger, après Exodus. Cette fois encore, la multiplicité des personnages, des opinions et des points de vues est censée restituer la réalité étudiée dans sa globalité et sa complexité. Le film débute avec l’annonce de la désignation d’un nouveau secrétaire d’état aux affaires étrangères par le président des États-Unis. Avant d’être voté par le Sénat, ce choix doit être examiné par une commission d’enquête qui révèle bientôt les sympathies communistes que le candidat a entretenu dans sa jeunesse. Le film propose la chronique des événements qui vont se succéder durant les quelques jours qui séparent l’ouverture de l’enquête du vote du Sénat. Très documenté et particulièrement instructif sur le fonctionnement des institutions politiques des États-Unis, aussi haletant qu’un film à suspense, Tempête à Washington est construit comme une succession de scènes d’affrontements oratoires entre deux ou plusieurs personnages, et lève le voile sur un réseaux de manigances, tactiques, tricheries et même de chantages (menacé de voir un épisode homosexuel de son passé révélé au grand jour, un sénateur se suicide). Bien que démocrate convaincu et actif, Preminger ne réalise pas une œuvre engagée ou militante, mais un film de moraliste. Le scepticisme et la lucidité du cinéaste sont à leur comble. Au-delà du débat moral que le film soulève (doit-on juger un politicien sur son passé, sur son intégrité ou sur ses compétences ?), Tempête à Washington enregistre au cœur même de la vie politique américaine (le Sénat) la décadence de la démocratie, assaillie par la tentation fasciste d’une part, rongée par l’immobilisme de l’autre. Les coulisses et la scène politiques finissent par se confondre, et les rites sénatoriaux se transforment en simulacres déviés de leurs significations et vocations premières. Le film est également remarquable pour la qualité homogène de son interprétation. Henry Fonda, dans un rôle bref, est extraordinaire, mais la palme revient à Charles Laughton, en vieux sénateur sudiste, absolument génial dans ce qui reste sa meilleure – et dernière – apparition à l’écran.
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