Olivier Père

K-19 : le piège des profondeurs de Kathryn Bigelow

En préambule d’un cycle consacré à la puissante réalisatrice américaine prévu à la rentrée sur notre antenne, ARTE diffuse K-19 : le piège des profondeurs (K-19: The Widowmaker, 2002) de Kathryn Bigelow dimanche 15 mars à 20h55. Le film relate l’odyssée du deuxième sous-marin nucléaire lanceur de missiles soviétique au début années 60, le K-19, surnommé par les marins et les ouvriers le « faiseur de veuves » en raison des nombreux accidents mortels survenus pendant l’appareillage du vaisseau. Le commandant Mikhail Polenine (Liam Neeson) étant jugé trop laxiste et trop proche de ses hommes par rapport aux intérêts du Parti communiste, il est rétrogradé commandant en second et remplacé au poste de commandement par le commandant Alexei Vostrikov (Harrison Ford), réputé plus dur et plus idéologue. Lors de sa mission inaugurale, Vostrikov soumet à rude épreuve l’endurance de l’équipage mais aussi du sous-marin, par une série d’exercices qui repoussent les limites techniques du K-19, au large des côtes américaines. Mais une fuite dans la zone confinée d’un des réacteurs nucléaires va déclencher une catastrophe au cours de laquelle six hommes vont être gravement irradiés en tentant de faire baisser la température du cœur du réacteur, tandis que l’ensemble de l’équipage risque d’être contaminé, sans aucune protection efficace. Inspiré d’une tragédie réelle, survenue en pleine guerre froide, K-19 : le piège des profondeurs est une réflexion sur le commandement, dans la lignée des drames militaires comme Ouragan sur le Caine ou Croix de fer – Sam Peckinpah étant la référence majeure du cinéma de Bigelow. C’est aussi une dénonciation de l’inhumanité d’un régime totalitaire qui envoie à la mort de jeunes soldats par bravade, afin d’exhiber sa puissance devant l’ennemi américain. Cela n’en fait pas pour autant un film de propagande anticommuniste. Les deux officiers qui s’affrontent pendant la première partie du métrage représentent deux courants de l’URSS post stalinienne, le dégel et le conservatisme. Le commandant pète-sec interprété par Harrison Ford se révèle le personnage le plus complexe du film, pris dans un dilemme moral et soucieux de la survie de son équipage. Kathryn Bigelow réussit un excellent thriller en huis-clos. K-19 : le piège des profondeurs est le plus gros budget attribué à un film de Bigelow (100 millions de dollars). Le projet lui est confié par la Paramount alors que Sherry Lansing, ex-directrice de la Fox, est à la tête du studio. L’échec commercial du film va marquer un coup d’arrêt à la carrière de Bigelow, qui venait d’essuyer deux bides consécutifs, Strange Days et Le Poids de l’eau. Elle reviendra sur le devant de la scène sept ans plus tard, avec une production indépendante à petit budget, Démineurs, qui remportera un grand succès et cinq récompenses aux Oscars, parmi lesquelles celle de la meilleure réalisation, attribuée à une femme pour la première fois de l’histoire de la cérémonie.

 

 

Catégories : Sur ARTE

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *