Olivier Père

Le Crocodile de la mort de Tobe Hooper

Jalons essentiels dans l’histoire du cinéma criminel, Psychose et Massacre à la tronçonneuse partageaient une base commune : certains éléments macabres de la biographie du tueur en série Ed Gein avaient inspiré Robert Bloch pour son roman Psycho, ainsi que le jeune réalisateur texan Tobe Hooper pour son premier film d’horreur.

Le film suivant de Tobe Hooper possède un lien encore plus direct avec le chef-d’œuvre d’Alfred Hitchcock. Le Crocodile de la mort (Eaten Alive, 1977) reprend en effet une partie du début de Psychose, notamment l’arrivée dans un motel isolé d’une jeune prostituée en fuite, au cœur du bayou en Louisiane. Bientôt la pauvre fille connaîtra un sort aussi funeste que Janet Leigh, mais sur un mode beaucoup plus grand-guignolesque. La suite introduit un second personnage féminin, inquiète de la disparition de son amie, ainsi qu’une galerie de seconds rôles bizarres. Le gérant du motel, qui livre ses clients en pâture à un alligator, est inspiré d’une figure du folklore texan, suspecté d’avoir tué une vingtaine de femmes dans les années 30.

Le Crocodile de la mort est donc un pastiche dégénéré de Psychose réalisé par le cinéaste texan dont on mesure ici le degré d’ironie et de pure folie de son cinéma. C’est une nouvelle fois une production indépendante à petit budget tournée loin de Hollywood. Tandis que le célèbre Massacre à la tronçonneuse misait sur un hyperréalisme halluciné et un fait-divers atroce pour traumatiser le spectateur, Le Crocodile de la mort opte pour l’esthétisme des « EC comics », bandes dessinées macabres pour adultes. Les éclairages orangés, les musiques électroniques, les décors lugubres et les scènes sanguinolentes instaurent un climat profondément malsain et hystérique. Ce n’est rien en regard de la distribution, l’une des plus étranges de l’histoire du cinéma d’horreur, composée de vieilles gloires des années 50 en piteux état (Stuart Whitman, Mel Ferrer, Carolyn Jones) et de seconds couteaux aux tronches de cauchemar (Neville Brand, Robert Englund, William Finley). La première phrase prononcée dans le film, sur un gros plan évocateur, a été reprise dans les dialogues de Kill Bill volume 1 par Quentin Tarantino, grand admirateur de Tobe Hooper. Elle est d’anthologie. La production du film fut aussi chaotique que le résultat à l’écran. Tobe Hooper quitta le tournage avant la fin et ne participa pas au montage, pour cause de divergences artistiques avec ses producteurs, spécialistes du cinéma d’exploitation bas de gamme. Ce sera le début d’une carrière en dents de scie. Il n’empêche que Le Crocodile de la mort compte parmi ses meilleurs films, et porte la marque de sa personnalité hors normes.

Le Crocodile de la mort sera disponible en Blu-ray Steelbook et DVD le 25 mars, dans une nouvelle restauration 2K, édité par Carlotta.

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