C’est parce que Sergio Leone a réalisé Il était une fois en Amérique que Trauma (Burnt Offerings, 1976) existe. Explication. Dans les années 60, Sergio Leone découvre un roman pseudo-autobiographique écrit par un ancien gangster juif du Lower East Side de New York, The Hoods de Harry Grey. Leone rencontre l’écrivain et commence à travailler sur l’adaptation cinématographique du livre. Ce n’est qu’une fois le scénario écrit que Leone découvre que les droits du livre de Grey ont déjà été acquis par le producteur-réalisateur Dan Curtis, qui souhaite absolument en faire un film et refuse de les céder. A l’époque, c’est le producteur français André Génovès qui tente de monter le projet avec Leone. Génovès ne parvient pas à faire changer d’avis l’inflexible Curtis malgré une offre à 250 000 dollars, pour un roman qui en vaut à peine 20 000, et jette l’éponge. En 1976 entre en scène le grand producteur Alberto Grimaldi, avec lequel Leone avait déjà travaillé à l’époque du Bon, la brute et le truand. Les deux hommes passent un accord informel stipulant que si Grimaldi réussit à récupérer les droits du roman, il pourra produire Il était une fois en Amérique. Grimaldi rencontre Curtis à Los Angeles et réussit à le convaincre que s’il lui trouvait un film de remplacement à faire à la place de The Hoods, il lui cédait les droits du livre. C’est ainsi que Dan Curtis réalisa Burnt Offerings, pour un budget conséquent de 2 millions de dollars. Si Grimaldi n’apparait pas au générique du film, où Dan Curtis et Robert Singer sont crédités comme seuls producteurs, il y a fort à parier que le financement du film provient principalement de la poche du producteur italien, via sa société PEA. Par un ultime coup du destin, Grimaldi ne produira finalement pas Il était une fois en Amérique, dont héritera le jeune producteur et homme d’affaires israélo-américain Arnon Milchan au début de sa carrière.
Dan Curtis va donc réaliser Burnt Offerings au lieu de The Hoods. Juste retour à la normale, si l’on considère que la filmographie de ce producteur de télévision fut presque exclusivement placée sous le signe du fantastique. Curtis a connu le succès en 1966 en créant sur le réseau ABC le feuilleton Dark Shadows, une histoire de vampires dont il va également signer deux adaptations pour le cinéma au début des années 70, House of Dark Shadows et Night of Dark Shadows. Il enchaîne ensuite les adaptations de classiques de la littérature fantastique et les histoires d’horreur pour le petit écran, jusqu’à Burnt Offerings en 1976. Le film est titré d’un roman publié en 1973 de Robert Marasco, écrivain spécialisé dans le surnaturel. Burnt Offerings revisite avec beaucoup de talent et d’intelligence le thème de la maison hantée. La demeure du film n’est pas vraiment habitée par des fantômes. Elle se nourrit de ses victimes humaines comme un organisme vivant, et se régénère en provoquant la mort de ses locataires. La maison possède également la caractéristique de matérialiser les névroses et les traumatismes de ses habitants, pour réveiller des souffrances enfouies et déclencher des catastrophes. La mise en scène de Curtis, assez télévisuelle, n’altère pas l’excellence du scénario. Le film bénéficie en outre d’une remarquable direction artistique, que l’on doit au vétéran Eugène Lourié. Burnt Offerings, inédit en salles en France mais disponible en VHS et souvent diffusé à la télévision dans les années 80 sous le titre Trauma, a fini par acquérir la réputation méritée de petit classique du genre. Il est troublant de noter de nombreuses similitudes entre le film de Curtis et Shining de Stanley Kubrick. Il n’est pas impossible que Stephen King se soit souvenu du roman de Marasco pour écrire le sien. King n’a jamais caché son admiration pour le travail de Marasco. Les deux romans, et les deux films, décrivent un couple et leur garçon d’une dizaine d’années, dont l’entente va être perturbée par leur installation dans une grande demeure gothique, perdue dans la campagne américaine. Le comportement du père (Oliver Reed), un écrivain frustré, devient de plus en plus menaçant envers son fils, tandis que l’épouse (Karen Black) semble envoutée par la maison, dont elle devient la fidèle servante. La fin du film rappelle l’image conclusive de Shining. Curtis n’a certes pas la même ambition que Kubrick. Il demeure davantage attaché aux effets choc et à une progression dramatique plus conventionnelle. Son film n’en réserve pas moins d’intenses moments de frayeur et d’angoisse, comme les apparitions de ce croque-mort grimaçant surgi des souvenir d’enfance du père. Indéniable réussite, Burnt Offerings se situe dans une tendance moderniste du cinéma de terreur anglo-saxon, qui inclut d’autres titres passionnants comme L’Enfant du diable (1980) de Peter Medak ou La Sentinelle des maudits (1977) de Michael Winner.
Trauma est disponible pour la première fois en HD en combo DVD et Blu-ray, avec un livret et des bonus inédit, édité par Rimini.
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