Olivier Père

Perversion Story de Lucio Fulci

Un été propice à l’exhumation de trois cinéastes italiens de la peur (Mario Bava, Dario Argento, Lucio Fulci) nous a permis de revoir sur grand écran Perversion Story (Una sull’altra, 1969). Ce titre permet de vérifier le talent d’un cinéaste qui a œuvré toute sa carrière au sein du cinéma commercial italien et de ses sous-genres très codifiés, produits au gré des modes et des tendances. En 1969, c’est bien sûr l’érotisme qui envahit les salles de quartier, quelques années avant l’intrusion des inserts hard dans les films traditionnels, puis l’explosion du cinéma pornographique. Perversion Story – qui s’appelle quand même « l’une sur l’autre » dans sa version originale, se révèle assez corsé niveau fesses. On mesure aujourd’hui le degré d’implication d’acteurs « sérieux » qui n’hésitaient pas à se dénuder lors de longues scènes sexy et savamment complaisantes, où Fulci s’amuse à placer sa caméra sous les draps et ne nous cache pas grand-chose de l’anatomie de Jean Sorel ou Elsa Martinelli. Perversion Story s’inscrit dans le filon des thrillers transalpins autour de victimes de machinations ourdies par des amants ou époux diaboliques mus par l’appât du gain. Vices, cupidité, névroses et haines familiales constituent les ingrédients immuables de cette collection de films directement inspirés par Les Diaboliques de Clouzot, et les chefs-d’œuvre d’Alfred Hitchcock. La référence majeure de Perversion Story est bien sûr Vertigo. Les deux films se déroulent à San Francisco, et mettent en scène le dédoublement d’une femme, entre la vie et la mort, le statut d’épouse et celui de putain. Le titre « l’une sur l’autre » ne renvoie pas seulement à une situation scabreuse, mais surtout à la superposition de deux images féminines incarnées par la même actrice, la lascive Marisa Mell. Il faudra la perspicacité d’une troisième femme, maîtresse du faux coupable, pour dénouer le fil de l’intrigue et découvrir l’invraisemblable vérité, que le spectateur cinéphile aura eu l’occasion de deviner avant elle. Pour détruire un homme riche et moralement faible, et le déposséder de sa fortune, ses ennemis intimes ont l’excellente idée de le prendre au piège du désir et de la culpabilité. Perversion Story, entre le roman-photo érotique et le « giallo », annonce un film comme Le Venin de la peur où Fulci n’hésitera pas s’engager plus franchement dans ces deux voies. Le réalisateur ne peut s’empêcher de saupoudrer cette sombre histoire de détails glauques qui allaient bientôt devenir des effets de signature. Le film se conclue par un compte à rebours oppressant et un climax très original qui témoignent d’une réelle virtuosité dans la gestion du temps et du montage alterné.

En salles depuis le 17 juillet, distribué par Les Films du Camélia.

 

 

 

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