Olivier Père

L’Emmurée vivante de Lucio Fulci

L’Emmurée vivante (Sette note in nero, 1977) demeure l’un des meilleurs films de Lucio Fulci. C’est un thriller paranormal qui débute comme un roman-photo, à l’instar de nombreuses productions commerciales transalpines de l’époque. Le spécialiste de l’horreur à l’italienne, pas encore engagé dans sa période « gore », néglige les scènes sanglantes pour construire une intrigue autour des hallucinations d’une jeune femme, témoin involontaire d’un meurtre énigmatique. À la manière de Blow Up d’Antonioni, des « gialli » de Dario Argento ou Ne vous retournez pas de Nicolas Roeg, le film est une enquête policière dans laquelle l’héroïne doit trouver le sens des images mentales terrifiantes qu’elle a aperçues au volant de sa voiture lors de la traversée d’un tunnel de montagne, et qui la conduisent d’abord vers de fausses pistes. Le film illustre la thématique fulcienne de la superposition d’univers disjoints, du point de rencontre entre le rêve et la réalité, le passé et le présent, le monde des morts et celui des vivants. Il brode aussi autour de la précognition et du sentiment de « déjà vu » qui s’empare de l’héroïne, à la fois protagoniste et spectatrice d’un récit morcelé, présenté comme un puzzle. Il s’inscrit également dans une tradition hitchcockienne, celle de Rebecca et Soupçons, dans laquelle l’harmonie conjugale se teinte progressivement d’inquiétude. Le titre original, « sept notes en noir », offre la clé non pas de la résolution de l’énigme, mais celle de la conclusion du film, tandis que le titre français explicite la référence à Edgar Allan Poe. Le thème musical entêtant, que l’on doit au duo Bixio e Frizzi, intervient de manière inventive au cœur de la narration. Bref, c’est beaucoup plus brillant que la plupart des films bis italiens des années 70. Une fois n’est pas coutume, Fulci bénéficie de bons acteurs au générique, Jennifer O’Neill et Gabriele Ferzetti, mais aussi Gianni Garko abonné des westerns italiens parodiques et Marc Porel déjà dans La Longue Nuit de l’exorcisme.

Réédition de quatre films de Lucio Fulci en versions restaurés, distribués par Les Films du Camélia à partir du mercredi 17 juillet : Perversion Story, Le Venin de la peur, La Longue Nuit de l’exorcisme et L’Emmurée vivante. Pour Le Venin de la peur et La Longue Nuit de l’exorcisme, se reporter aux textes écrits à l’occasion de la sortie de ces titres en blu-ray chez Le Chat qui fume.

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