Olivier Père

Braguino de Clément Cogitore

ARTE diffuse le moyen métrage Braguino (2017) dans la nuit du lundi 6 au 7 mai, à Oh10. Il sera également disponible gratuitement sur ARTE.tv jusqu’au 6 juin. Moyen métrage, mais grand film. A peine 49 minutes suffisent au réalisateur pour nous entrainer dans un voyage inoubliable, à la rencontre d’êtres extraordinaires sur un lieu de vie, ou plutôt de survie, situé aux confins du monde. Le matériau est si riche qu’il donnera aussi naissance à une exposition, explorant par de nouvelles ramifications le thème de la communauté impossible, au cœur du film de Cogitore.

Le cinéaste français est parti filmer une famille russe, les Braguine, qui vit en autarcie complète depuis les années 70. Les premiers membres, parmi lesquels le patriarche Braguino, ont construit une communauté isolée dans la taïga, au bout de la Sibérie orientale. Braguino et sa famille vivent de la pêche et de la chasse, dans le respect absolu de l’équilibre naturel de cette région sauvage oubliée des hommes.

Cette utopie à l’échelle d’un petit groupe humain a été mise en péril par l’arrivée d’une autre famille. Très vite les relations s’enveniment, des querelles de voisinages et des conflits larvés permanents voient les Braguine menacés sur leur propre territoire. Le film traite de survie et de la violence inévitable qui divise les hommes, par opposition à l’harmonie, même rude et fragile, qui règne entre les Braguine, les animaux et la forêt. Le film abrite une séquence inoubliable, celle de la mort d’un ours pris dans un piège et de son dépeçage. Chaque partie de l’animal est utilisée au profit de la communauté, pour la nourriture ou l’habillement, tandis que sa tête est laissée comme un totem, en hommage à cet ennemi noble et respecté. Nous assistons à un rituel sacré davantage qu’à une exécution cruelle lors d’une partie de chasse. Les enfants des deux familles sont les seuls à partager timidement un espace commun, une île au milieu de la rivière qui sépare les clans ennemis, sorte d’utopie à l’intérieur d’une utopie. Il est impossible de réduire Braguino au statut de documentaire, tant la forme du film de Cogitore relève du conte, parfois du récit onirique. La mise en scène ne se contente pas de capter des moments de réalité. Elle invente et organise un espace scénique qui nous renseigne sur le rapport au monde des protagonistes, et dessine clairement les enjeux physiques, moraux et philosophiques du film. A la fois essai poétique, leçon de vie et constat alarmiste, Braguino est une réussite exceptionnelle, qui vient confirmer le talent et les ambitions artistiques hors du commun de Clément Cogitore.

 

 

Catégories : Coproductions · Sur ARTE

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