Walkover (1965) est le deuxième long métrage de Jerzy Skolimowski, après un film de fin d’études tourné dans des conditions semi-professionnelles. Comme dans Signes particuliers : néant, Skolimowski y interprète le rôle principal, celui d’un étudiant désœuvré qui a raté son diplôme d’ingénieur et qui erre dans des paysages industriels incertains, jamais à sa place dans une Pologne en voie de modernisation. Rencontres pittoresques, humour grinçant, jeunes femmes agaçantes, mais surtout inventivité permanente de la mise en scène. Skolimowski, sans doute sous influence godardienne, comme beaucoup d’autres à l’époque, bouscule la syntaxe cinématographique, les bonnes manières et les habitudes. Le film débute par une image gelée, puis le regard caméra d’une jeune femme en gros plan, quelques secondes avant qu’elle ne se jette sous un train arrivant en gare. C’est de ce même train que va descendre le « héros » de Walkover, trentenaire qui va accepter par dépit de participer à un tournoi de boxe amateur. Lui aussi regardera régulièrement la caméra dans des plans fixes où il semble jauger le spectateur, lui imposer des plans miroirs où se reflète une image inconfortable de la condition d’homme, entre rébellion et désillusion, parfaitement intemporelle malgré l’ancrage historique du film dans la post Nouvelle Vague européenne.
Skolimowski est un cinéaste de l’énergie, mais d’une énergie vaine. Il s’agit plutôt de dépense. Son personnage est sans cesse en mouvement, mais il fait du sur place, marche à reculons ou reviens en arrière (le plan, à la fois allégorique et d’une impressionnante vigueur physique, où le cinéaste saute d’un train en marche pour rejoindre le lieu qu’il venait de quitter), prisonnier de la société, incapable d’échapper à un présent stérile et à un futur guère excitant. Athlétique, il doit sa victoire sur le ring non pas à sa force mais à un gag humiliant qui donne sa signification au film : le « walkover » du titre, qui désigne dans le vocabulaire de la boxe une victoire par abandon. Ce goût du mouvement et de l’absurde, de la fuite et de l’épuisement se retrouve démultiplié dans l’avant-dernier film en date de Jerzy Skolimowski, chasse à l’homme qui offre à Vincent Gallo l’occasion d’une impressionnante performance masochiste, le génial Essential Killing (2010).
Ressortie en salles mercredi 10 avril, en version restaurée, distribué par Malavida.
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