Olivier Père

Amityville 2 : le possédé de Damiano Damiani

Dans les années 80 les suites de films à succès avaient rarement bonne réputation. Cette manie de décliner « ad nauseam » des formules imposées au grand public n’étaient pas encore entrée dans les mœurs, adoubée par l’industrie aussi bien que la cinéphilie.

Ainsi Amityville 2 : le possédé (Amityville II: The Possession, 1982), production Dino De Laurentiis, passa d’abord pour une entreprise bassement mercantile et opportuniste – ce qu’elle était sans doute à l’origine du projet. Il s’agit pourtant du meilleur film de la franchise Amityville, de très loin supérieur au premier opus réalisé par Stuart Rosenberg pour Samuel Z. Arkoff (Amityville, la maison du diable, 1979) et à Amityville 3D (1983), sympathique ratage pourtant signé Richard Fleischer, toujours sous la férule de Dino De Laurentiis. Depuis sa sortie et sa diffusion en vidéo, dans des versions souvent tronquées, le film de Damiano Damiani a été réhabilité par les amateurs de cinéma d’horreur qui lui reconnaissent des qualités et des audaces qui tranchent au milieu d’un corpus pléthorique. Les événements rapportés par le film sont antérieurs à l’action du premier Amityville. Il s’agit de raconter les origines de la malédiction qui pèse sur une maison soupçonnée d’être hantée par le Diable, et qui tourmente ses habitants en les poussant au crime et à la folie. Le film accorde du crédit aux explications surnaturelles qui entourent un fait-divers sordide survenu dans la nuit du 13 novembre 1974 à Long Island, dans l’État de New York. Un adolescent assassina à coups de fusil, sans mobile apparent, les six membres de sa famille, parents, frères et sœurs. Cette affaire fut exagérée à des fins médiatiques et promotionnelles. Elle engendra une série de livres, parmi lesquels un best-seller sensationnaliste à l’origine de plusieurs films. Lorsque Dino De Laurentiis reprend les droits de la franchise cinématographique, il décide de confier la suite – en réalité un « prequel » – au réalisateur italien Damiano Damiani. Ce choix peut surprendre dans la mesure où Damiani s’inscrit dans une tradition psychologique et réaliste du cinéma italien d’après-guerre. Apparu au début des années 60, Damiani a abordé des sujets politiques ou sociologiques dans des drames, des films criminels et même des westerns, toujours entre cinéma d’auteur et cinéma commercial. On devine aisément que les motivations de Damiani, alors dans un creux de sa carrière, n’étaient pas purement artistiques lorsqu’il accepta la proposition de De Laurentiis. Après une série de polars mafieux ou de thrillers interprétés par Franco Nero et Giuliano Gemma, Damiani se retrouve aux commandes de son premier film américain. Il se tire avec les honneurs de cette intrusion assez farfelue dans le cinéma horrifique. Amityville 2 : le possédé fut tourné aux États-Unis et dans des studios mexicains mais avec une équipe technique en partie italienne (production oblige). Si Amityville 2 : le possédé est plus réussi que le film original de Stuart Rosenberg, c’est parce qu’il explore les zones d’ombre d’une famille de la middle-class, en apparence sans histoire, dont la description dépasse les clichés du cinéma fantastique. Le père de famille (Burt Young, le Paulie de la saga Rocky) est un véritable tyran domestique qui terrorise son épouse et frappe ses enfants, incarnation de la brutalité machiste. La famille Montelli est d’origine italienne et pratique un catholicisme fervent. Les tensions familiales, les frustrations sexuelles, la haine qui grossit entre le père et son fils aîné sont présentées comme un terreau propice à des manifestations paranormale annonciatrices d’un déchainement de violence. Dans sa première partie, Amityville 2 : le possédé déjoue les attentes et baigne dans un climat d’hystérie et de névrose, désignant une famille tristement banale comme l’antichambre de l’enfer. La scène la plus choquante du film demeure sans doute celle où le frère, sous l’influence du diable, séduit sa sœur et fait l’amour avec elle. La famille catholique est corrompue par l’inceste, et Damiani repousse par la même occasion les limites de l’acceptable dans un film américain.  Dans sa violence transgressive et ses excès malsains, le film de Damiani se révèle typiquement latin, et rejoint dans certaines scènes les outrances sadiques d’un Lucio Fulci, maître italien du macabre. La seconde partie du film est plus conventionnelle, et met en scène, sur le modèle de L’Exorciste, un cas de possession et l’intervention d’un prête décidé à sauver le jeune homme habité par le diable. La fin du film recèle de bonnes séquences d’effets spéciaux et n’a pas peur d’en faire trop. La part de responsabilité de Damiani dans cette entreprise, malgré ses incontestables qualités professionnelles, est difficile à évaluer. Certains mouvements de caméra à l’intérieur de la maison sont très impressionnants et témoigne d’une réelle maestria technique. Il ne faut pas sous-estimer l’apport du jeune scénariste Tommy Lee Wallace dans la réussite de Amityville 2 : le possédé. Disciple de John Carpenter, Tommy Lee Wallace a écrit et réalisé la même année Halloween III : le sang du sorcier. La suite de sa carrière n’a pas tenu les promesses de ses débuts, malgré le succès à la télévision de la première adaptation de Ça de Stephen King en 1990.

Amityville 2 : le possédé. Du cinéma d’exploitation peut-être, mais dans le meilleur sens du terme, au même titre que d’autres fleurons du genre comme – pour se limiter à l’année 1982 : Classe 1984, L’Emprise, Halloween III : le sang du sorcier, Incubus, Vigilante ou Les Traqués de l’an 2000.

 

Coffret Amityville : la trilogie. Edition Collector Blu-ray + DVD + livret (Bach Films).

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