Olivier Père

La Sentinelle des maudits de Michael Winner

Amateurs de films extrêmes, qui n’avez pas peur d’affronter des débordements de sadisme, de voyeurisme et de complaisance, La Sentinelle des maudits est pour vous. La Sentinelle des maudits (The Sentinel, 1977) est le dernier très bon film de Michael Winner et son incursion remarquée dans le cinéma horrifique. Une jeune modèle dépressive et suicidaire, nouvellement fiancée à un séduisant avocat, s’installe dans un vieil immeuble de New York dont le dernier étage est occupé par un prêtre aveugle. D’étranges phénomènes se produisent dans la maison, propriété du diocèse. Mélange de film de maison hantée, de superstition catholique et de complot diabolique, La Sentinelle des maudits fut sans aucun doute réalisé afin de profiter de l’engouement du public pour les films d’horreur à connotation religieuse après les triomphes de L’Exorciste et de La Malédiction produits et distribués par des studios hollywoodiens et contenant des scènes choquantes qui n’auraient jamais franchies le stade de l’autocensure quelques années auparavant. En « Monsieur Plus » du cinéma commercial Winner va encore plus loin que ses collègues et dépasse les limites de la bienséance avec un film qui mêle à une histoire terrifiante, proche de Rosemary’s Baby, des scènes et des détails profondément malsains et dérangeants. Par ses excès, La Sentinelle des maudits rejoint les films gore et illogiques de Lucio Fulci consacré aux portes de l’enfer, Frayeurs et L’Au-delà. J’ai découvert le film une nuit à la télévision dans les années 80, j’ai eu la peur de ma vie (comme lorsque j’ai vu Inferno de Dario Argento vu pour la première fois à une séance de minuit au cinéma.) La Sentinelle des maudits fait partie de ces rares films qui fichent vraiment la trouille et savent créer le malaise même chez les spectateurs blasés et les amateurs les plus endurcis. Pour cela, Winner est prêt à tout : les maquillages répugnants de Dick Smith (L’Exorciste), sa frêle héroïne harcelée par des traumatismes d’enfance et des apparitions nocturnes terrifiantes, et surtout quelque chose d’impensable dans un gros film de studio (La Sentinelle des maudits est produit par Universal) : le recours à des vrais « freaks », hommes et femmes victimes d’anomalies physiques spectaculaires exhibés à moitié nus dans la scène finale dantesque et qui interprètent des damnés échappés de l’enfer. Tandis que Tod Browning faisait jouer des êtres difformes ou handicapés dans son chef-d’œuvre Freaks, la monstrueuses parade pour en montrer la douloureuse et bouleversante humanité, Winner utilise la laideur de figurants atteints des mêmes maladies ou mutilations pour incarner des spectres encore plus repoussants que les zombies de Fulci. Il en résulte des visions réellement infernales, à vous glacer le sang, mais qui provoquent un malaise à la fois physique et moral. Autre particularité de ce film qui compte parmi les plus malsains réalisés : il dispose d’un casting hallucinant digne des plus prestigieuses productions catastrophe comme La Tour infernale ou Airport. Au générique de La Sentinelle des maudits se bousculent, parfois dans des rôles microscopiques, Chris Sarandon, Cristina Raines, Martin Balsam, John Carradine, José Ferrer, Ava Gardner, Arthur Kennedy, Burgess Meredith, Eli Wallach, Beverly d’Angelo (en lesbienne muette avec une scène de masturbation inoubliable), Christopher Walken, Tom Berenger, Jeff Goldblum et même Richard Dreyfuss dans un caméo. Un vrai film de malade.

La Sentinelle des maudits : à la vente le 21 novembre en combo blu-ray et DVD dans une nouvelle collection chez Elephant Films qui propose deux autres titres recommandables du cinéma fantastique américain moderne, L’Ile sanglante de Michael Ritchie et Le Fantôme de Milburn de John Irvin.

 

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