Olivier Père

Samson de Maurice Tourneur

Adapté de la pièce éponyme de Henry Bernstein, Samson (1936) de Maurice Tourneur est une belle redécouverte. Le film comme la pièce proposent une transposition de l’épisode biblique de Samson et Dalila dans le milieu parisien de la finance et de la grande bourgeoisie des années 30. Jacques Brachard est un homme d’affaires « d’origine douteuse ». Le terme est employé par le directeur d’un journal qui cherche à faire chanter Brachard et que ce dernier mettra à la porte sans ménagement après lui avoir appris qu’il vient de devenir le principal actionnaire de sa publication et qu’il est donc vain de le menacer. Nous sommes plongés dans un climat de violence sociale, dans le monde de la spéculation et des mouvements d’argent peuplé d’aventuriers, d’escrocs, de profiteurs et de jouisseurs. La pièce Samson avait été écrite par Bernstein en 1907, et le rôle principal créé à la scène par Lucien Guitry. Elle est toujours d’actualité lorsque Tourneur et son scénariste Léopold Marchand la porte à l’écran en 1936. Les derniers procès des personnes impliquées dans l’affaire Stavisky se sont terminés en janvier et la France va bientôt traverser une période de crise politique, tandis que les conséquences catastrophiques du krach de 1929 continuent d’affecter l’économie mondiale. Ce sont des personnages en équilibre précaire entre la faillite et la fortune, la respectabilité et le déshonneur que Tourneur met en scène dans Samson. Le film montre la persistance de pratiques d’un autre siècle, lorsqu’une jeune femme accepte d’épouser un homme riche qui la répugne pour sauver ses parents de la ruine. C’est justement la passion déraisonnable d’un homme pour sa femme, au sein d’un mariage de raison, qui va faire exploser tout un monde de mensonges et de faux-semblants. C’est en provoquant sa chute pour entraîner avec lui son rival – comme dans la légende de Samson – que Brachard parviendra à conquérir l’amour de son épouse. Tourneur réussit un film extraordinaire qui s’extrait de toutes les conventions du mélodrame. Sa mise en scène se refuse au moindre lyrisme, puisqu’il s’agit d’observer un monde cruel, impitoyable, au bord de la décadence. Tourneur fait preuve d’audace en décrivant dans le détail une orgie mondaine à laquelle un bourgeois libertin et cynique entraîne sa maîtresse. Samson nous permet d’admirer Gaby Morlay et Harry Baur au sommet de leur talent. L’acteur s’y montre plus sobre qu’à l’accoutumée, exprimant merveilleusement un amour brimé qui ne pourra triompher qu’après le sacrifice de ce qui fondait toute son existence : l’argent.

Samson est édité en blu-ray chez Gaumont, en version restaurée.

 

 

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