Olivier Père

Suspiria de Dario Argento

On se souviendra de l’été 2018 comme d’une orgie aussi inattendue que réjouissante de films de Dario Argento. Pas moins de six titres – parmi les meilleurs – du réalisateur italien, en version restaurée, seront de nouveau visibles sur grand écran à partir du 27 juin, grâce au distributeur Les Films du Camélia. Autant commencer par le plus incontournable, Suspiria (1977).

Dans Suspiria, une jeune ballerine américaine (Jessica Harper, l’héroïne de Phantom of the Paradise) arrive dans une école de danse de Fribourg en Allemagne et découvre que la terrifiante demeure abrite un repaire de sorcières. Dario Argento, entre deux citations de Val Lewton et Fritz Lang, réalise sa version gore et sous acide de Blanche Neige et les sept nains (motifs décoratifs identiques dans les deux films), soit un conte sanglant aux éclairages surréalistes et aux scènes de violence paroxystiques, proches du grand guignol et de la transe vaudou. Suspiria demeure l’une des expériences cinématographiques qui s’apparente le plus à un cauchemar, en raison de la rupture volontaire du cinéaste avec la logique narrative et l’agressivité inouïe de ses images, et ressemble davantage à un opéra rock psychédélique qu’à un film d’horreur traditionnel. Chez Argento, cinéaste de la surface, la profondeur (psychologique ou visuelle) n’existe pas. Cette obsession décorative donne naissance à des trouvailles de mise en scène stupéfiantes et déteint sur la direction des acteurs, figurines expressionnistes dont le jeu retrouve l’intensité hystérique des « dive » du cinéma muet italien. Le scénario tient sur le fil d’une énigme, dont la clé est bien sûr cachée parmi les éléments du décor, labyrinthe surchargé de motifs livrés à l’interprétation de la frêle héroïne. Tout contribue dans Suspiria (le rock progressif des Goblin, les scènes choc sanglantes et stridentes, le Technicolor saturé de rouge et de bleu de Luciano Tovoli) à la création d’une œuvre inoubliable, qui générera autour d’elle, au fil du temps, une secte d’adorateurs dans le monde entier. Argento ajoutera en 1980 un second chapitre à son « cycle des trois mères » avec Inferno, encore plus stupéfiant et qui prolonge les délires d’alchimiste du maître de la terreur.

 

 

 

 

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