Olivier Père

Jeannette de Bruno Dumont

Produit pour et par la télévision (avec l’Unité Fiction d’ARTE France) Jeannette de Bruno Dumont est diffusé mercredi 30 août à 22h45 sur ARTE, après une présentation remarquée au Festival de Cannes. Le film est déjà disponible en télévision de rattrapage sur ARTE+7.

Jeannette est une œuvre de création qui pulvérise les frontières entre les disciplines artistiques, le petit et le grand écran, opère un lien puissant entre sacré et profane, trivial et sublime, sans oublier des touches burlesques auxquelles le cinéaste semble désormais attaché. Bruno Dumont s’empare de la figure de la pucelle d’Orléans par l’intermédiaire du texte poétique de Charles Péguy, « Le Mystère de la charité de Jeanne d’Arc » publié pour la première fois en 1896. Il n’y est pas question de la Jeanne guerrière, martyre ou sainte, mais de la petite fille gardienne de moutons visitée par les saints, sa révélation mystique et l’incrédulité de ses proches. Bruno Dumont relève le défi du tournage d’un film chanté et dansé en plein air par des enfants et adolescents, tous non professionnels et choisis dans les terres du Nord du cinéaste. Il opte pour le son direct qui fait entrer les bruissements du vent, les bêlements des moutons dans de longs plans majestueux. Soit la vie, qui empêche le film de se figer dans un dispositif scénique verrouillée. Le texte de Péguy, respecté à la lettre, retrouve sa puissance incantatoire sous une forme chantée a cappella, avec les hésitations et les maladresses de l’enfance qui ne font que renforcer sa pureté et sa ferveur populaire. Le sens du cadre et la matière sonore du cinéma de Dumont, toujours aussi admirables, accueillent les chorégraphies de Philippe Decouflé et la musique de IGORRR au même titre que les corps juvéniles et les paysages de dunes. Passé l’effet de surprise provoqué par l’injection de danses contemporaines et de rythmes techno dans une époque médiévale stylisée, le résultat est plus sidérant qu’excentrique, et frappe par sa paradoxale harmonie. Tout est grâce dans Jeannette, tout est beauté.

 

Jeannette connaîtra aussi une exploitation en salles le mercredi 6 septembre, dans un format et un montage légèrement différents, sous le titre Jeannette, l’enfance de Jeanne d’Arc (version montrée à Cannes), distribué par Memento Films Distribution.

Jeannette de Bruno Dumont

Jeannette de Bruno Dumont

Catégories : Coproductions · Sur ARTE

6 commentaires

  1. Bertrand Marchal dit :

    Bruno Dumont est un cinéaste que je suis depuis longtemps. Je crois que le premier film de lui que j’ai vu était Hors Satan. Et ce film-là m’a toujours remué avec une force, comme rarement. C’est son hiératisme qui confine à la mythologie, celle des anachorètes, du désert, des prophètes visionnaires, d’une épure sexuelle, qui fait son immense fascination, qui me met à genou comme devant la possibilité d’un autre horizon spirituel, libéré de la liturgie, des motifs trop référentiels.

    Je l’es ai ensuite tous vus. Mon préféré reste l’Humanité.

    Mais le dyptique de Jeanne est d’une audace de ton tellement sidérante qu’il hisse Dumont au rang d’inventeur d’un nouveau type de musique cinématographique, de partitions qui ne suivent aucun modèle, et qui elles-mêmes réinventent leurs propres formes au fur et à mesure.

    2 question pour vous, Monsieur Père: savez-vous quelque chose du nouveau projet de Dumont?
    et savez-vous comment Dumont est reçu par le public en dehors de la sphère francophone?

  2. Olivier Père dit :

    Bruno Dumont est un grand cinéaste dont j’aime beaucoup (presque) tous les films. il est trop tôt pour parler du prochain dont j’ai lui le scénario mais ce sera un nouveau pari, un retour vers son approche originelle du cinéma (avec néanmoins des éléments originaux) en rupture avec sa veine récente, burlesque et délirante.
    Dumont est très apprécié par la critique cinéphile un peu partout dans le monde (en Europe et surtout dans les pays anglo-saxon il me semble) tout en demeurant inconnu du grand public, un peu comme Claire Denis…

  3. Bertrand Marchal dit :

    la mini série diffusée sur Arte n’a ans doute pas aider à augmenter son rayonnement! les gens qui l’ont découvert à cette occasion ont souvent été outrés par l’outrance et dérangés par le dérangeant.

    Nous avons ici en Belgique un peu le même type de phénomène avec les frères Dardenne: des bêtes de concours mais dont les films ne sont pas vus par le public.

    • Olivier Père dit :

      La série P’tit Quinquin a été un gros succès d’audience lors de sa diffusion sur ARTE. Elle a ainsi contribué a augmenter significativement le nombre des admirateurs de Bruno Dumont… en même temps que celui de ses détracteurs. A l’étranger la série a surtout circulé dans les festivals de cinéma.

  4. Bertrand Marchal dit :

    Alors, il a dû y avoir un avant et un après qui doit pouvoir s’observer dans la billetterie des films qui ont suivi P’tit Quinquin.

    Évidemment, il a aussi commencé à travailler avec des vedettes juste au même moment, ce qui fausse l’effet télé.

    Sauf pour Jeanne.. Jeanne a-t-il été un succès en salle pour Dumont?

    • Olivier Père dit :

      Ma Loute a été un succès relatif qui a profité de la popularité de P’tit Quinquin, des interprètes du film (Luchini, Binoche…) et de sa sélection cannoise.
      Mais Jeanne a été un échec commercial.

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