Olivier Père

Les aventures fantastiques du baron Münchhausen de Joseph von Báky

ARTE inaugure sa programmation spéciale consacrée aux cent ans de la UFA (la plus grande société de production allemande fondée en 1917 et devenue un organisme d’état sous le régime nazi) avec la diffusion lundi 28 août à 20h55 des Aventures fantastiques du baron Münchhausen (Münchhausen, 1943) de Joseph von Báky, en version restaurée. Ce film a été réalisé sur l’ordre du ministre de la propagande Josef Goebbels, à l’occasion des 25 ans de la UFA. Il s’agissait par un fastueux spectacle cinématographique de faire oublier aux Allemands démoralisés les revers subis par les troupes du IIIème Reich sur le front russe – le film fut tourné pendant la bataille de Stalingrad. La volonté de Goebbels est aussi de montrer au monde la supériorité de l’industrie allemande capable de mener à bien en pleine guerre des œuvres de prestige aux budgets faramineux, n’ayant rien à envier aux plus luxueuses superproductions hollywoodiennes. Le film ne rencontrera pas le succès escompté en Allemagne : en 1943 la situation était trop grave pour qu’un divertissement plein de fantaisie parvienne à détourner le peuple allemand de son désarroi. Münchhausen fut tourné en couleur avec le nouveau procédé Agfacolor, rival allemand du Technicolor, et bénéficia d’un budget colossal pour l’époque de 6,5 millions de Reichsmarks. Les innombrables décors (mélange de studio et d’extérieurs – le Grand Canal de Venise fut réquisitionné pour le tournage), costumes et effets spéciaux sont impressionnants et procurent au spectateur un enchantement que les décennies n’ont guère altéré.

Le film raconte la vie du célèbre baron, personnage réel – un officier et mercenaire du 16ème siècle – que la biographie et la propension à exagérer ses exploits ont transformé en héros légendaire de la littérature allemande. Aventurier, grand voyageur, Münchhausen était un libertin, un humaniste et un amoureux des plaisirs de la vie qui croise lors de ses périples le magicien Cagliostro ou un Casanova vieillissant qui lui prêtent main forte. Le fantastique s’invite et Münchhausen possède un anneau qui le rend invisible, accède à l’immortalité et un voyage en ballon le conduit sur la Lune où il rencontre des Sélénites. Le scénario fut confié à l’écrivain Erich Kästner, notoirement opposé au régime et dont les livres avaient été brûlé par les Nazis en 1933. Son nom n’apparaît pas au générique. C’est Kästner qui insiste sur la fantaisie et l’hédonisme du personnage, plutôt que sur ses exploits militaires. Le film est dénué de toute idéologie nazie et ne constitue en rien une œuvre de propagande. Il s’agit plutôt de faire l’apologie de l’imagination et du rêve pour s’échapper d’un monde invivable. Cette fuite par le merveilleux était également pratiquée par certains films français tournés sous l’Occupation allemande, comme Les Visiteurs du soir de Marcel Carné par exemple. Il est exagéré de voir dans ce repli un acte de résistance. Mais Kästner a sans doute insufflé l’insolence et la sagesse qui frappent encore à la vision de ce film magnifiquement mis en image.

Les aventures fantastiques du baron Münchhausen sera disponible en télévision de rattrapage pendant sept jours sur ARTE+7.

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