Olivier Père

Soudain… les monstres ! de Bert I. Gordon

Au fil de son histoire, le cinéma fantastique s’est enrichi d’un bestiaire monstrueux, né de peurs ancestrales ou plus modernes.

Bert I. Gordon (B.I.G. pour les intimes) fut un auteur mineur du fantastique américain, sorte de Jack Arnold du pauvre ou de George Pal trash. Davantage préoccupé par la conception de trucages rudimentaires que par la mise en scène ou la direction d’acteurs, souvent approximatives, Bert I. Gordon consacra la plus grande partie de son œuvre à l’exploration du gigantisme sous toutes ses formes, animale – lézard dans King Dinosaur (1955), sauterelles dans Beginning of the End (1957), guêpes, vers, poulets et rats dans Soudain… les monstres! (1976), fourmis dans L’Empire des fourmis géantes (1977), ces deux derniers titres vaguement adaptés de H.G. Wells – et humaine – The Cyclops (1957), Le Fantastique Homme Colosse (1957), War of the Colossal Beast (1958), Village of the Giants (1965).

Loin d’être sectaire, le cinéaste s’est également intéressé au nanisme dans Attack of the Puppet People (1958) et The Boy and the Pirates (1960).

Ancien assistant de Hal Roach (Tumak, fils de la jungle), Bert I. Gordon débute comme réalisateur de films publicitaires et invente avec sa femme une technique artisanale d’effets spéciaux. Il travaille pour la télévision en réalisant et produisant des épisodes de séries avant d’entreprendre une carrière cinématographique placée sous le signe de l’indépendance (Gordon est souvent producteur, scénariste, responsable des trucages de ses films) et des petits budgets. De 1954 (Serpent Island, truffé de stock-shots) à 1980 (The Coming, un film d’horreur), sa filmographie est dédiée à la science-fiction et au fantastique, avec une prédilection évidente pour les trucages optiques et les histoires de métamorphoses. De film en film, dinosaure, colosse, cyclope, araignée géante, rats mutants, hommes miniatures et dragon de conte de fées constituent le bestiaire merveilleux de Bert I. Gordon.

Dans les années 70, Bert I. Gordon signe deux adaptations très libres du romancier Herbert G. Wells : L’Empire des fourmis géantes et Soudain… les monstres ! (The Food of the Gods, 1976), produits par AIP (American International Pictures). Ces films anachroniques illustrent une conception désuète de la science-fiction, vouée à l’extinction. Maladroits et de mauvais goût, les testaments artistiques de Gordon ne manquent pourtant pas d’attraits et sont devenus des petits classiques du bis américain. Dans Soudain… les monstres !, le plus soigné et le plus ambitieux des deux, les animaux de la ferme (mais aussi les rats et les guêpes) atteignent une taille gigantesque après avoir ingurgité une mystérieuse bouillie surgie de la terre et attaquent deux vieilles gloires de Hollywood en fin de carrière (Ida Lupino, Ralph Meeker) ainsi que l’étrange Marjoe Gortner, enfant prédicateur reconverti dans le cinéma psychotronique (Tremblement de terre, Star Crash, Les Guerriers de la jungle et autres incontournables). Le film distille un message écologiste et montre la nature qui prend sa revanche sur les agressions humaines, intentions soulignées par un dialogue introductif. Les catastrophes naturelles et les messages alarmistes sur la destruction de la planète par la pollution étaient des sujets souvent abordés par le cinéma fantastique dans les années 70. La mise en garde de Gordon n’est pas la plus subtile mais elle réserve de bons moments d’horreur. La horde de rats est constituée de rongeurs grandeur nature propulsés sur des maquettes de voiture ou de maison, ou alors des figurants déguisés en muridés pour les plans rapprochés avec des acteurs. Les guêpes géantes sont soit en plastique (photo en tête de texte, posée sur un Ralph Meeker grimaçant) soit directement dessinées sur la pellicule. Tout ça nous change des trucages numériques. Le morceau de bravoure final – rescapés retranchés dans une ferme luttant contre les tentatives d’intrusion des rats – s’inspire de celui des Oiseaux et de La Nuit des morts-vivants, modèles indépassables et si souvent copiés de « home invasion ».

Soudain… les monstres ! fit le bonheur des spectateurs du Festival du Grand Rex en 1977 avant de hanter durablement les salles spécialisées comme Le Brady et les vidéoclubs. Il est désormais disponible en DVD et blu-ray dans une nouvelle collection « trésors du fantastique » éditée par Movinside qui propose aussi d’autres titres recommandables comme La Nuits des vers géants ou Nuits de cauchemar.

 

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