Olivier Père

L’aventure c’est l’aventure de Claude Lelouch

Pour conclure son cycle Claude Lelouch ARTE diffuse lundi 9 janvier à 20h50 L’aventure c’est l’aventure (1972), en version restaurée.

A une époque où tout était politique – le début des années 70, marqué par l’après mai 68 – Claude Lelouch met en scène une association d’antihéros, voyous oscillants entre cynisme et débilité, qui se moquent de la politique et ne pensent qu’à l’argent. Le cinéaste signe un film gonflé, provocateur, mais pas aussi irresponsable ou réactionnaire qu’on l’a dit. D’abord le cinéaste ne conteste pas les idéaux révolutionnaires et présente sa bande de pieds nickelés comme de parfaits crétins, sympathiques mais cons. C’est un film sur la connerie aura coutume de répéter Lelouch, à juste titre. Ce qu’il ridiculise, c’est le snobisme et la mode d’un certain gauchisme mondain ou opportuniste, les signes révolutionnaires récupérés par les médias, la société de consommation et la publicité, l’obsession de l’argent. Dans une époque marquée par la confusion (« la confusion dans la clarté, la clarté dans la confusion » est l’une des nombreuses phrases qui ne veulent rien dire énoncées par les cinq malfrats, ici en l’occurrence celui interprété par Charles Denner), Lelouch se montre finalement assez lucide. Un an avant L’aventure c’est l’aventure un cinéaste, à contre-courant de la pensée dominante, avait montré que toute révolution est une révolution trahie, et exprimé son scepticisme teinté de mélancolie dans un film qui montrait deux aventuriers, l’un désillusionné, l’autre ignorant, dans la tourmente de l’Histoire. C’était Il était une fois… la révolution, chef-d’œuvre dont on a longtemps mésestimé l’importance dans la filmographie de Sergio Leone. La même année que L’aventure c’est l’aventure Jean Yanne brocardait les magouilles des médias à la solde du patronat et du capitalisme dans sa première réalisation Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil.

Dans L’aventure c’est l’aventure Lelouch adopte un style décontracté, s’inspire de la bande dessinée (Les Pieds nickelés sont la référence majeure du film) mais rejoint aussi un picaresque moderne rarement emprunté par le cinéma français, et qui permet d’évoquer le cinéma populaire italien et les films de Leone. Lelouch réutilise aussi comme Jean Yanne certains effets pop dans l’air du temps, avec des couleurs pétantes, du rock symphonique, de la variété et la participation de Johnny Hallyday dans son propre rôle. Mais le film possède un charme unique qui ne doit pas grand-chose à la mode des années 70 mais beaucoup à l’humour et la complicité de ses acteurs, qui s’en donnent à cœur joie devant la caméra d’un Lelouch en pleine forme. Avec Lino Ventura, Charles Denner, Jacques Brel, Aldo Maccione (qui invente Aldo la classe) et Charles Gérard prêts à toutes les farces en chemises hawaïennes, le film prend des allures de colonie de vacances pour adultes immatures. Le film est un voyage plein de trouvailles et de surprises, riche en rires et en rebondissements délirants. Au centre de ce tour du monde de l’arnaque révolutionnaire Lelouch s’intéresse une fois de plus aux rapports de domination masculine entre maîtres et valets, s’amuse du machisme et de la bêtise décomplexée de ses personnages et interprètes. L’aventure c’est l’aventure demeure l’un des grands succès de la comédie française, et un incontestable tube dans la filmographie de Lelouch. Sa folie douce et son insolence sont toujours aussi réjouissantes, devraient séduire de nouvelles générations de téléspectateurs et raviver la nostalgie des autres. Vive la Suisse libre!

 

 

 

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