Olivier Père

Airport de George Seaton

ARTE diffuse Airport (1970) de George Seaton dimanche 8 janvier à 20h50.

Si l’appellation de « nouvel Hollywood » est sujette à discussion, elle désigne une brève période dans l’histoire du cinéma américain, et un groupe de jeunes cinéastes qui ont bousculé les habitudes des studios, obtenant gloire et succès avec des films audacieux et novateurs.

Cependant, au même moment a existé un « vieil Hollywood », période transitoire où l’industrie américaine et ses figures historiques (producteurs, réalisateurs, acteurs) ont essayé de s’adapter tant bien que mal à l’évolution du marché tout en perpétuant une conception conservatrice du divertissement hollywoodien. La Cinémathèque française consacre actuellement (et jusqu’à 25 janvier) un cycle passionnant intitulé « Hollywood décadent », sur cette phase agonique des studios américains prêts à tous les excès financiers pour lutter contre la concurrence déloyale de la télévision, avec des résultats parfois aberrants ou artistiquement schizophrènes, partagés entre un désir de modernité et des réflexes réactionnaires. Ce n’est pas un hasard si la vieillesse, la pathologie, la catastrophe occupent une place primordiale dans ces productions qui furent parfois des chefs-d’œuvre malades de grands cinéastes vétérans, ou de somptueux désastres. Airport n’est ni l’un ni l’autre, mais il demeure symptomatique de ce « vieil Hollywood » qui allait se réinventer, après le péplum biblique et autres superproductions historiques, dans le film catastrophe. Ici le format 70mm, l’écran large, les effets spéciaux et les grands moyens ne sont pas mis au service de la reconstitution de civilisations anciennes et de batailles célèbres, mais à la glorification d’une mythologie propre au XXème siècle : l’aéroport. Le film glorifie l’architecture moderne de la vaste construction, la technologie de pointe des avions de ligne – apologie de la solidité du Boeing 707 tout en en soulignant la vanité devant les forces de la nature – une tempête de neige menace le bon fonctionnement de l’aéroport – et la folie des hommes – un détraqué parvient à embarquer à bord du vol pour Rome avec une bombe. Airport offre le spectacle d’un défilé de trois générations de vedettes et entrelace plusieurs histoires sentimentales, rivalités masculines et crises conjugales en respectant une unité de temps et d’espace. La recette est celle des prestigieux films choraux hollywoodiens du genre de Grand Hôtel (1932) transposée dans un aéroport, avec comme protagonistes les différents corps de métiers, de la base au sommet, qui font vivre ce microcosme social. Le routinier George Seaton est en charge des scènes d’intérieurs et de la direction d’acteurs, dignes d’un soap opéra de luxe, tandis que Henry Hathaway, excellent cinéaste d’action, a dirigé (sans en être crédité au générique) les scènes d’extérieurs dans la neige, plus mouvementées. Airport n’accorde aux effets spéciaux qu’une portion congrue, et préfère se concentrer sur les drames humains. Autres temps, le poseur de bombe n’est pas un terroriste mais un chômeur vieillissant, interprété par Van Heflin dans son dernier rôle, et il était encore permis de fumer dans un avion. Burt Lancaster (le directeur de l’aéroport) et Dean Martin (un pilote) ont des épouses acariâtres et respectivement 24 et 27 ans de plus que leurs maîtresses à l’écran, Jean Seberg (responsable du service clientèle) et Jacqueline Bisset (une hôtesse de l’air). Tout au long des années 70, plusieurs films catastrophes vont respecter le cahier des charges imaginé par Airport, en insistant davantage sur les morts violentes et les destructions matérielles (L’Aventure du Poséidon, La Tour infernale). Airport connaîtra trois suites indirectes, avec leur cortège d’émotions fortes, d’acteurs à moumoute, de personnages stéréotypées et de « guest stars » en préretraite, moins réussies que le premier film, qui a le mérite de rester digne, d’offrir de belles séquences atmosphériques et de ne pas sombrer dans le comique involontaire.

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