Olivier Père

Il boom de Vittorio De Sica

C’est l’unique comédie « noire » de Vittorio De Sica, qui allait la même année inventer le néo-réalisme rose et terminer sa carrière avec des mélodrames lacrymaux. Il boom fut un échec au moment de sa sortie et ne bénéficia même pas d’une distribution française. On peut comprendre le rejet total que suscita un film aussi terrible de la part d’un cinéaste humaniste, célébré dans le monde entier pour Le Voleur de bicyclette. Pourtant il est permis de considérer ce film comme l’un des sommets de la carrière en dents de scie de Vittorio De Sica, sans doute son titre le plus surprenant. En un seul film De Sica et son compère Zavattini parviennent à être plus cruels et grinçants que Risi, Lattuada, Ferreri ou Scola réunis. L’argument de Il boom est tellement atroce qu’on se demande souvent si le film est encore une comédie. Le rire se transforme en grimace, en cri qui reste coincé dans la gorge. Un tel sentiment se retrouve aussi dans deux autres grands films interprétés par Sordi, qui constituent des points extrêmes de la (tragi)comédie à l’italienne : Mafioso (1962) de Alberto Lattuada et Un bourgeois tout petit, petit de Mario Monicelli (1977).

Comme dans Mafioso Sordi joue dans Il boom un homme moyen dont la volonté, le libre arbitre et même l’intégrité physique sont niées par des puissances supérieures : la mafia dans Mafioso, la bourgeoisie d’affaires dans Il boom. De Sica montre les revers de l’enrichissement spectaculaire de l’Italie après la guerre, période de miracle économique – les 30 glorieuses – qui va aussi conduire à une faillite morale, avec le règne de la corruption, de la domination de l’argent et de la course au profit. Un romain d’origine modeste a épousé la fille d’un officier et fréquente désormais les milieux huppés. Contraint d’offrir à sa femme le même train de vie que ses amies, il s’endette et cherche désespérément à monter des affaires ou à emprunter de l’argent. Humilié par une succession de refus et d’échecs, acculé par ses créanciers, il en arrive a accepter la proposition incroyable de l’épouse d’un richissime entrepreneur : donner un de ses yeux à son mari pour une greffe, en échange d’une forte somme d’argent… La satire de la bourgeoisie romaine se transforme alors en farce macabre. On s’enfonce dans le cauchemar d’un antihéros pathétique, prêt à perdre un œil pour sauver son couple – sa femme décide de le quitter quand elle découvre sa situation financière – et sa position sociale. Sordi est génial comme souvent, dans la peau d’un personnage qu’il incarne à la perfection, menteur, veule et fanfaron, entre bouffonnerie et tragédie.

Très belle musique de Piero Piccioni.

Il boom sort enfin en France le mercredi 2 novembre, distribué par Les Acacias.

Catégories : Actualités

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *