Après les aventures à tiroirs de Frankenstein, du loup-garou, de la momie et de Dracula (parfois réunis dans un même film), Elephant propose dans sa collection Universal Monsters, en combos Blu-ray et DVD ou DVD seuls, toutes les suites plus ou moins parodiques du chef-d’œuvre de James Whale L’Homme invisible réalisé en 1933 d’après le roman de H.G. Wells.
Fort de ce succès le département des séries B de la Universal produisit cinq films autour de la descendance ou des imitateurs du scientifique invisible inventé par le romancier anglais. Le Retour de l’homme invisible (1940) avec Vincent Price qui n’apparait que cinq minutes avant la fin (devinez qui il interprète), La Femme invisible (1940), L’Agent invisible contre la Gestapo (1942), La Revanche de l’homme invisible (1944) et enfin les inévitables Abbott et Costello qui épuisèrent le filon, comme à leur habitude, avec Deux Nigauds et l’homme invisible (1951).
Parmi ces titres qui ne prennent pas vraiment au sérieux l’homme invisible, le plus étonnant est sans doute L’Agent invisible contre la Gestapo (Invisible Agent, 1942) de Edwin L. Marin. Le personnage central en est Frank Raymond, le petit-fils du docteur Jack Griffin, antihéros du roman de Wells et du film original de Whale, qui était interprété par Claude Rains. Frank détient le secret du sérum d’invisibilité de son grand-père, convoité par des agents secrets nazis infiltrés aux Etats-Unis. Il parvient à leur échapper lors d’une première confrontation. C’est l’attaque de Pearl Harbor le 7 décembre 1941 (brèves images d’archives) qui va convaincre Frank de sortir de sa neutralité et de mettre la précieuse invention au profit de l’Armée américaine et de la lutte contre les forces de l’axe, à condition de l’expérimenter sur lui-même et de se transformer en agent invisible, envoyé en mission en Allemagne nazie. Ce revirement correspond bien sûr à l’entrée officielle des Etats-Unis dans la Seconde Guerre mondiale. Le film de Marin s’inscrit dans la vaste production de propagande antinazie entreprise par Hollywood, et qui va s’intensifier dans les années 40. Son scénario est signé Curt Siodmak, spécialiste de l’horreur et de la science-fiction, jamais à cours d’idées délirantes. L’Agent invisible contre la Gestapo avance à la vitesse d’un super sérial, rempli de péripéties et de rebondissements. Son ton alterne entre suspens et franche comédie, avec des gags qui exploitent les dons d’invisibilité de Frank. Les officiers nazis sont décrits comme des bouffons, plus ridicules qu’effrayants, prêts à toutes les vilenies et essentiellement occupés à se trahir entre eux. La manière dont la réalité historique et bafouée, et l’ennemi tourné en ridicule, anticipe le traitement grotesque que Tarantino réservera à son film de guerre et d’espionnage Inglourious Basterds. Le plus grand méchant de L’Agent invisible contre la Gestapo est un aristocrate nippon, allié des Nazis, qui les accompagne on ne sait trop pourquoi dans leurs funestes opérations aux Etats-Unis et en Europe. Il s’appelle Baron Ikito et est un expert en tortures et interrogatoires musclés. Peter Lorre lui prête sa tête ronde et sa dégaine de psychopathe illuminé. La prestation de Lorre est géniale, comme souvent, même s’il m’a fallu près d’une heure de film pour comprendre qu’il jouait un Japonais, car il ne ressemble que très approximativement à un Asiatique. Le Baron Ikito a sans doute inspiré le Nazi Arnold Toht joué par Ronald Lacey dans Les Aventuriers de l’arche perdue : même silhouette molle de binoclard sadique et ricanant. Le suicide par seppuku du baron Ikito vient confirmer, auprès de certains spectateurs sceptiques, qu’il était bien Japonais.
Une fois de plus, le véritable créateur qui se cache derrière cette amusante série B est John P. Fulton, maître des effets spéciaux qui orchestre les apparitions et disparitions de l’homme invisible. Ses trucages sont remarquables et n’ont rien à envier aux technologies modernes.
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