Olivier Père

Predator de John McTiernan

Mercredi 17 août Capricci a réédité Predator de John McTiernan en salles. Sorti en France en plein été 1987, dans l’indifférence presque générale de la critique, Predator a depuis gagné ses galons de classique du cinéma de science-fiction postmoderne.

En seulement deux films, Predator et Piège de cristal, réalisés coup sur coup, John McTiernan s’est imposé comme le meilleur cinéaste d’action des années 80.

Pur produit de la période des mal nommés « high concept movies », aux intrigues et aux personnages simplistes, Predator adopte la forme d’une variation autour de The Thing et La Chasse du comte Zaroff, mise à la sauce des films d’aventures musclés qui triomphent à l’époque. Il a fallu le bon choix du réalisateur, le débutant John McTiernan en quête d’un ticket pour Hollywood – son premier long métrage Nomads n’avait pourtant rien d’exceptionnel – pour transcender un matériau générique en combat épique en plein cœur d’une jungle d’Amérique Centrale. McTiernan réinvente les codes des genres cinématographique (opération commando, agression invisible, survie en milieu hostile) qu’il illustre. Predator devient réellement, grâce à la mise en scène inspirée de McTiernan, un film conceptuel qui appréhende de manière géniale son décor – la forêt – et transforme une sanglante chasse à l’homme en réflexion sur l’altérité. La créature extraterrestre est experte en camouflage, ce qui donne naissance à de superbes visions de sa silhouette qui se fond dans le paysage. Le Predator est aussi maître en duplication, capable d’imiter les sons ou les attitudes de ses victimes. Le film de McTiernan a ainsi l’intuition des développements de l’industrie du spectacle hollywoodien autour de l’idée de reproduction malade et carnassière.

Le monstre extraterrestre, dont l’apparition est longtemps différée, se présente à la fois comme un double du mercenaire interprété par Schwarzenegger, par sa force et son art de la guerre, mais aussi son contraire : le Predator présente des caractéristiques menaçantes associées à la Femme (son visage derrière le masque révèle un vagin denté) et à l’Autre (l’Alien, soit celui qui n’est pas humain, mais qui n’est surtout ni blanc, ni nord-américain).

Au-delà de sa représentation ironique et caricaturale de la virilité – en phase avec le charisme de culturiste de sa star Arnold Schwarzenegger – Predator enfante une créature effrayante et majestueuse qui peut régner en haute place dans le bestiaire fabuleux du cinéma fantastique. Le dernier acte du film, où Schwarzenegger débarrassé de son arsenal militaire régresse à l’état d’homme préhistorique et livre un combat titanesque contre son adversaire monstrueux situe Predator au panthéon des meilleurs « survivals », entre le premier Rambo et Apocalypto de Mel Gibson.

Arnold sch dans Predator

Arnold Schwarzenegger dans Predator de John McTiernan

 

Le So Film Summer Camp de Nantes nous a offert en juillet dernier l’opportunité de déjeuner avec John McTiernan, invité d’honneur du festival. Attablés à La Cigale, cette brasserie aux murs couverts de faïence qui servit de décor à Lola de Jacques Demy, nous osâmes en compagnie de Albert Serra et Kleber Mendonça Filho suggérer au cinéaste américain que Predator avait fait l’objet en 2004 d’un remake non officiel dans la jungle thaïlandaise, où de jeunes soldats traquaient une étrange créature mi homme mi animal, dans une chasse aux consonances sexuelles et magiques : Tropical Malady de Apichatpong Weerasethakul. McTiernan n’avait visiblement jamais entendu parler de ce film magnifique, défini par certains cinéphiles, dès la fin de sa projection au Festival de Cannes, comme une version arty de Predator. Il est vrai que bien avant d’inspirer hypothétiquement des artistes plasticiens passés à la mise en scène, le film de McTiernan parvenait au sein d’une production hollywoodienne à proposer une approche poétique de la forêt tropicale, à générer des images inédites où les effets spéciaux se fondaient dans une captation sensible de la nature sauvage.

Oncle Boomne ? Non, Predator...

Oncle Boomnee ? Non, Predator…

Profitons de Predator pour saluer la parution d’un essai de Jérôme Momcilovic consacré à Arnold Schwarzenegger, démiurge, oracle et prophète. L’auteur consacre des pages éclairées aux meilleurs films du culturiste autrichien devenu star de cinéma puis gouverneur de la Californie, dessinant la dimension mythologique de l’acteur et la cohérence de ses choix de carrière, synchrone avec les mutations techniques et idéologiques de l’industrie hollywoodienne, et de la fin du XXème siècle en général.

Prodiges d’Arnold Schwarzenegger de Jérôme Momcilovic, éditions Capricci. Parution le 18 août 2016.

 

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