Olivier Père

Photo interdite d’une bourgeoise de Luciano Ercoli

ARTE diffuse Photo interdite d’une bourgeoise (Le foto proibite di una signora per bene, 1970) de Luciano Ercoli dans la nuit du jeudi 29 au vendredi 30 septembre à 0h40, dans le cadre d’un cycle spécial désirs du Cinéma Trash.

Premier long métrage de Luciano Ercoli réalisé à l’orée des années 70, Photo interdite d’une bourgeoise constitue un bel exemple du « giallo », soit le film criminel italien à connotations érotiques et sadiques, qui envahit les écrans des salles populaires pendant deux décennies. Deux cinéastes ont donné ses lettres de noblesse au « giallo » : d’abord Mario Bava (Six Femmes pour l’assassin) puis Dario Argento (L’Oiseau au plumage de cristal, Quatre Mouches de velours gris). Mais d’autres artisans de moindre envergure ont illustré le genre avec opportunisme, et parfois avec un certain talent. A côté d’œuvres novatrices et mêmes révolutionnaires comme Les Frissons de l’angoisse de Dario Argento (bientôt sur ARTE) il existait en Italie une production pléthorique de thrillers d’épouvante qui misaient sur le sex appeal de leurs héroïnes, les univers troubles de la jet set ou de la haute société, un mélange de luxe et de lucre encouragé par des scénarios retors à base de machinations, manipulations et autres stratégies meurtrières compliquées motivées par l’appât du gain. Autant de conventions que Argento fit voler en éclats en s’intéressant dans ses films à de purs psychopathes dont la folie est le seul mobile.

Dans Photo interdite d’une bourgeoise, Ercoli et son scénariste Ernesto Gastaldi, touche-à-tout du cinéma bis, prennent une sombre histoire de chantage et de meurtre comme prétexte pour plonger dans la psyché d’une épouse délaissée par son mari et frustrée sexuellement, qui tombe dans le piège d’un horrible pervers qui la violente et la terrorise. La noirceur du propos est tempérée par un emballage visuel chatoyant qui glorifie la décoration tape-à-l’œil de résidences ou appartements de ces bourgeois vulgaires. La sensualité et l’ambiance dévergondée, puis angoissante du film doivent beaucoup à la sublime bande originale « easy listening » d’un Ennio Morricone déchaîné, capable de transformer une simple série B en bijou pop par la grâce de ses géniales mélodies.

Photo interdite d’une bourgeoise, l’histoire : Peter (Pier Paolo Capponi), un industriel très occupé, est marié à Minou (Dagmar Lassander, la rousse la plus sexy du cinéma bis italien – photo en tête de texte). A l’inverse de Minou qui est prude, sa meilleure amie Dominique (Susan Scott) est une femme libérée qui s’adonne à des jeux érotiques. Peter est accusé de meurtre par un inquiétant rôdeur (Simón Andreu) qui engage Minou dans un chantage sexuel. La pauvre épouse, martyrisée, s’enferme dans la dépression et la folie. Un retournement de situation transforme in fine Photo interdite d’une bourgeoise en manifeste féministe, à la différence d’autres titres du « giallo » à l’idéologie réactionnaire et misogyne.

Le site Imdb nous apprend que Luciano Ercoli a quitté prématurément l’industrie du cinéma après avoir fait fortune grâce à un héritage. Cela explique pourquoi le bougre n’a réalisé que huit longs métrages (et produit quinze) lorsque ses collègues stakhanovistes se sont échinés toute leur vie à épuiser les nombreux filons successifs du cinéma bis transalpin, du péplum au films de cannibales en passant par le western ou le thriller. On retiendra de la courte carrière de Ercoli ses « gialli » interprétés par son épouse Nieves Navarro (sous le pseudonyme de Susan Scott) et surtout un excellent polar La police a les mains liées qui délaissait la mouvance sécuritaire du « poliziesco » pour s’intéresser à une sombre enquête sur fond d’attentat à la bombe et de complots politiques.

 

 

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